Henri Durand

Pour un lointain départ.

Ô ciel natal ! toi que j’admire encore
Lorsque l’hiver se couche aux pieds des monts,
Sommets glacés, où rayonne l’aurore,
Sublime autel des vœux que nous formons !
Votre beauté s’assombrit sous la nue,
Un voile gris nous cache le ciel bleu,
Car, moi, je pars ; hélas ! je vous salue :
   Adieu, ciel paternel ! adieu !
 
Partir, eh quoi ! partir quand la nature
M’a réservé des dons si précieux,
Quand sur le lac que le printemps azuré
Mon jeune nid flotte encore sous les cieux !
L’oiseau grandit abrité sur la plage.
Près de sa mère il renferme son vœu ;
Mais moi, déjà, je dois fuir ton rivage ;
   Adieu, flot paternel ! adieu !
 
Il faut partir ; rives de mon enfance,
Vous n’aurez plus que mes larmes d’un jour.
Delà les mers quelle vaine espérance
Pourra tromper ce doux et triste amour ?
Voile que tend la brise matinale,
Pampres dorés sur des coteaux de feu,
Sombres manoirs, antique cathédrale,
   Adieu, bord paternel ! adieu !
 
Encore, hélas ! si ce bord était vide,
Si nul regret n’y répondait au mien,
Et si le temps, ce moissonneur avide,
Près des tombeaux n’avait laissé plus rien !...
Mais, dans ce jour qui m’arrache à ma mère,
Frères, amis ! pour moi vous prîrez Dieu ;
Je vais m’asseoir sous la porte étrangère ;
   Adieu ! toit paternel ! adieu !
 
Qui sait, qui sait si quelque jour encore
Dans mon pays je vous reverrai tous ?
Mais que m’importe, ou la mer qui dévore,
Ou, sur ces bords, un tombeau près de vous ?
Dieu nous bâtit au céleste rivage
Un port divin où vogue notre espoir ;
Nous marchons tous vers le même héritage,
   Adieu, mes amis ! au revoir !

Poésies complètes (1858)

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