Henri Durand

Le souffle des hautes cimes.

                           I
 
   Amis, partons ; il en est temps,
   Avant que paraisse l’aurore,
   Avant que l’astre du jour dore
     Les sommets éclatants.
 
Oh ! qu’ils sont doux les charmes du matin,
Quand tout s’éveille à l’éclat incertain
   De l’aube en sa blanche parure !
J’aime à m’ébattre, ô nature ! en ton sein,
   Quand la rosée et fraîche et pure
     Baigne ton front serein.
 
   Lors tu me dis : « Au pauvre cœur
   Le ciel, au matin de la vie,
   Verse aussi la source bénie
     D’un courage vainqueur. »
 
Ah ! sur nous tous, coulez, célestes pleurs
Ne laissez pas se flétrir en nos cœurs
   Des nobles vœux la fleur première ;
Reste avec nous, jeune et fidèle espoir,
   Répands ta force et ta lumière
     Sur nos pas jusqu’au soir !
 
                           II
 
Laissons, laissons le grand chemin
Où, si pressé, le flot humain
Vole au plaisir, court aux affaires.
Plus haut, plus loin, allons chercher
La paix qui semble se cacher
Aux pentes des monts solitaires.
 
Dans ces prés que rien ne flétrit
Coule une source qui guérit
Les tristes langueurs de ton âme.
Là, sous l’ombrage des grands pins,
Tu cueilleras à pleines mains
Pour tes ennuis un sûr dictame.
 
Vers les horizons radieux
Qui joignent la terre et les deux,
Là, ton regard pourra s’étendre :
Et quand ton cœur, en haut porté,
Jusques à Dieu sera monté,
Tu ne voudras plus redescendre.
 
Mais, hélas ! rude est le chemin.
Déjà la fraîcheur du matin
Aux feux du jour cède l’empire.
Gais refrains et joyeux propos,
Du chant des oiseaux doux échos,
Sur nos lèvres, tout, tout expire.
 
Courage, enfants, il faut monter ;
Au prix d’obstacles à dompter
La palme veut être conquise.
Là-haut, repos et liberté ;
Là-haut, ciel pur, fleurs de beauté,
Aux nobles cœurs, terre promise !
 
Courage, enfants, encore un pas ;
Déjà sur tous ceux qui sont las
Descend le vent frais de la cime,
Souffle pur, qui fait oublier
Les aspérités du sentier
Au voyageur qui se ranime.
 
                           III
 
Monter, monter,—plus haut que le sommet désert,
Plus haut que l’aigle, encore, qui dans l’azur se perd,
C’est la loi de notre âme et sa route bénie.
Malgré la sombre nue, et plus haut qu’un ciel bleu,
S’élever jusqu’au vrai, s’élever jusqu’à Dieu,
               C’est le mot de la vie.
 
Comme sur l’Alpe, ici, bien rude est le sentier ;
On croit toucher au but ; soudain se dresse, altier,
Sur la cime vaincue, encore un mur de glace.
Mais pour le pèlerin, qui marche avec ardeur,
Il est un souffle, aussi, que donne le Seigneur,
               C’est l’Esprit de sa grâce.
 
Divin Esprit, Esprit de lumière et d’amour,
Descends, descends sur nous ; viens guider chaque jour
De nos pas vers les cieux la course haletante,
Et sur nos tristes fronts, dans notre faible cœur,
Répands sans te lasser, répands du Rédempteur
               La vertu triomphante !

Poésies complètes (1858)

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