Léman, roi de nos lacs ! dont le bord magnifique
Sous le pied des grands monts courbe son arc magique,
Miroir de notre amour,—je veux chanter encore
Ton onde où le soleil baigne ses ailes d’or !
Caps perdus dans l’azur ! harmonieux rivage,
Où la brise de mai tremble dans le feuillage !
Neiges que le couchant sait allumer deux fois ;
Nobles cimes des monts, tout drapés de grands bois,
Qui dans les eaux mirez vos couronnes d’albâtre,
Et votre ombre géante où luit le feu du pâtre !...
Léman, j’arrive enfin sur ta rive embaumée,
Et je vois s’azurer ton onde bien-aimée.
Le voici ce beau ciel qui hait les aquilons,
Et que l’Alpe gravit sur ses verts échelons ;
Voici la vague bleue où la tremblante étoile
Vient nager de concert avec la blanche voile !...
Ô Poésie ! amour que je garde en mon cœur !
Après avoir au loin porté ton pas vainqueur,
Et passé du tropique à la rive glacée,
Dis ! n’as-tu pas souvent, de ta course lassée,
Franchi nos durs rochers, nos vallons, nos ravins,
Pour venir dans ces flots baigner tes pieds divins ?
N’es-tu pas revenue asseoir tes rêveries
Sur nos monts ondulés, sur nos rives fleuries,
Et, sous ce ciel si pur, ton immortel amant,
Demander la fraîcheur aux brises du Léman ?