Pierre Reverdy

Une apparence médiocre

Le train siffle et repart dans la fumée qui se fond au ciel bas.

C’est un long convoi de larmes et sur chaque quai où l’on se sépare de nouveaux bras agitent des mouchoirs. Mais celui-là est seul et ses lunettes se ternissent des larmes des autres ou de la pluie qui fouette la vitre où il colle son nez. Il n’a quitté personne et nul ne l’attendra à la gare où il va descendre.

D’ailleurs il ne raconte pas ses voyages, il ne sait pas décrire les pays qu’il a vus. Il n’a rien vu peut-être, et quand on le regarde, de peur qu’on l’interroge, il baisse les yeux ou les lève vers le ciel où d’autres nuages se fondent. A l’arrivée, sans expression de joie ou d’impatience, il part, seul dans la nuit, et, sous les becs de gaz qui Péclairent par intervalles, on le voit disparaître, sa petite valise à la main. Il est seul, on le croit seul. Pourtant quelque chose le suit ou peut-être quelqu’un dans la forme étrange de son ombre.

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