Plutôt qu’un médiocre honneur, accordez-moi,
Dieu juste, de mourir jeune encore et l’âme ivre
De volupté, d’orgueil puissant, avec la foi
Que j’aurais été grand si vous m’aviez fait vivre.
Car je songe, ce soir, hélas ! d’un cœur amer,
Au sort, humble entre tous et dur, des vieux poètes
Qui, la nuit, vont asseoir sur le bord de la mer
Leur tristesse de dieux déchus des plus hauts faîtes.
Jadis, ils gravissaient d’un pied sûr le chemin
Qui mène au but sacré ceux qui savent y croire ;
Ils se disaient, joyeux de leurs vingt ans « Demain
Nous atteindrons le pic austère où croît la gloire. »
Donc, ils montaient. Pourquoi sont-ils redescendus
Avant d’avoir cueilli la fleur des lieux sublimes ?
Ont-ils lâchement craint des sentiers trop ardus,
Ou rencontré l’amour banal qui hait les cimes ?
On l’ignore. D’ailleurs, ces rêveurs décriés
Qu’on reconnaît de loin à leur mélancolie
Et dont les longs cheveux ont blanchi sans lauriers,
On en sourit ; ces fiers vaincus, on les oublie.
Et c’est alors que, pleins de cendre et de sanglots,
Ils viennent contempler les astres sur la plage,
Et dominant d’un vain appel le bruit des flots,
Lamentent leur passé, leur solitude et l’âge.