Ce soir après la pluie est doux ; soir de septembre
Si doux qu’on en voudrait pleurer, si plein d’abeilles
Qu’on fuit tout défaillant la pénombre des chambres.
C’est un soir de septembre un peu triste, et c’est veille
De dimanche, et c’est l’heure ou ceux de la maison
Viennent s’asseoir parmi les roses du perron.
C’est un soir de septembre et veille de dimanche.
On se tait ; la maison et les roses sont blanches.
L’automne, enlumineur silencieux et lent,
A déjà sur les murs rougi la vigne vierge.
La brise aux doigts furtifs fait trembler de l’argent
Sur la feuille, paupière agitée, et sur l’herbe ;
Avec l’angélus grave et résigné chemine
Le multiple retour, au lointain, des clarines ;
Des chariots de foin oscillent sur la route ;
Les peupliers d’or clair frémissent ; on écoute
Retomber le marteau sur le contre-heurtoir,
Et le plaintif appel des mendiants du soir.
Les fleurs lasses se font plus lourdes sur leurs tiges,
Une étrange langueur, souffle à souffle, voltige
De l’aïeule, songeuse à cause de la mort,
A la vierge, pensive à cause de l’amour.
Nul ne parle ; la chair s’inquiète ; le jour
Impalpable s’efface et fond, comme un accord
Expire... Et la nuit monte, hélas ! au cœur des hommes.
A cette heure indécise où rampent les ténèbres,
La prière en secret nous écarte les lèvres,
Comme la source entrouvre un sable amer ; nous sommes
Humbles, nous voudrions être pareils, mon Dieu,
A ce candide azur qui forme le ciel bleu
Et que nos reins, comme la chair des chastes veuves,
N’aient plus pour lit d’amour qu’une tombe où s’étendre.
Quand détacherons-nous notre cœur de la femme,
Pour employer à vous servir des forces neuves ?
Ô poignante douceur de ce soir de septembre !
A présent le silence est grand sur la campagne.
Il est tard, et voici que la nuit est venue
Et que nous frissonnons d’une angoisse inconnue.
Ô Seigneur, accablez notre âme et nos paupières
D’un sommeil plus pesant et plus lourd que la pierre ;
Faites autour de nous à travers l’ombre noire
Marcher à pas muets des heures sans mémoire,
Et que la paix des morts nous gagne, et qu’on oublie
Toute cette tristesse immense de la vie !