Charles Guérin

Le ciel profond reflète en étoiles nos larmes.

Le ciel profond reflète en étoiles nos larmes,
Car nous pleurons, ce soir, de nous sentir trop vivre.
La brume est chaude, la plus blanche rose enivre,
La chair baigne en un lac balsamique, et le calme
 
Nocturne ajoute à la confusion des âmes.
La peine d’un lointain violon nous arrive
En longs sanglots qui font la volupté pensive.
On entend le jardin mystérieux qui parle.
 
Nulle haleine. Là-bas, le rossignol égoutte
Ses perles vives ; l’ombre est claire ; toute flûte
Soupire... Il faut nous taire, il faut aimer, les heures
 
Ont suspendu leur vol à tes lèvres : écoute
S’effeuiller en frissons de nacre sous la lune
Les frêles hampes d’eau des cours intérieures.

Le cœur solitaire (1896)

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