Ô veille de Toussaint et dernier soir d’octobre !
Le ciel est une ruche où bourdonnent les cloches,
Et le soleil pâlit sur le jardin doré :
De même, à l’occident large et pur de ma vie,
Dans un suprême adieu d’amour je descendrai.
La glycine, crispée, avec mélancolie
Se balance au perron de la maison natale,
Et, des arbres, du sol, des massifs nus, s’exhale
L’amer et froid parfum du vieil âge des choses.
Je viens, boutons de miel, de chair, de nacre mauve.
Vous cueillir pour ma belle enfant, roses tardives ;
Car mes doigts prévoyants, demain, arquant les tiges,
Confieront les rosiers délicats à la terre.
Des cristaux meurtriers de l’hiver, nulle main
Ne sut garder ta sève, arbuste solitaire,
Fier rosier qu’étoilaient des roses merveilleuses :
Tu n’es plus qu’un bois sec, inutile au jardin ;
Et les printemps pressés comme les flots d’un fleuve,
Les printemps lumineux et riches qui fécondent
Dans les sillons du ciel d’obscurs germes de mondes,
Et comme un front humain aux battements du rêve
Font palpiter le cœur de l’arbre sous la sève,
Tous les printemps, souffles d’air chauds et soleils d’or,
Ne rendront pas ses fleurs de chair au rosier mort.
Dans le jardin jauni des anciennes années.
Parfois, quand le jour las tend ses bras à la nuit,
La belle enfant qui fut jadis ma bien-aimée
Passe en glissant d’un pas léger le long des buis.
Elle s’arrête auprès du rosier nu, lui parle.
Lève les cils, remplit d’étoiles ses yeux pâles,
Et sourit dans son rêve aux calices rosés
Où ses lèvres, un jour, apprirent le baiser.