L’aigu bruissement des ruches naturelles,
Parmi les tamarins et les manguiers épais,
Se mêlait, tournoyant dans l’air subtil et frais,
À la vibration lente des bambous grêles
Où le matin joyeux dardait l’or de ses rais.
Le vent léger du large, en longues nappes roses
Dont la houle indécise avivait la couleur,
Remuait les maïs et les cannes en fleur,
Et caressait au vol, des vétivers aux roses,
L’oiseau bleu de la Vierge et l’oiselet siffleur.
L’eau vive qui filtrait sous les mousses profondes,
À l’ombre des safrans sauvages et des lys,
Tintait dans les bassins d’un bleu céleste emplis,
Et les ramiers chanteurs et les colombes blondes
Pour y boire ployaient leurs beaux cols assouplis.
La mer calme, d’argent et d’azur irisée,
D’un murmure amoureux saluait le soleil ;
Les taureaux d’Antongil, au sortir du sommeil,
Haussant leurs mufles noirs humides de rosée,
Mugissaient doucement vers l’orient vermeil.
Tout n’était que lumière, amour, joie, harmonie ;
Et moi, bien qu’ébloui de ce monde charmant,
J’avais au fond du cœur comme un gémissement,
Un douloureux soupir, une plainte infinie,
Très lointaine et très vague et triste amèrement.
C’est que devant ta grâce et ta beauté, Nature !
Enfant qui n’avais rien souffert ni deviné,
Je sentais croître en moi l’homme prédestiné,
Et je pleurais, saisi de l’angoisse future,
Épouvanté de vivre, hélas ! et d’être né.