Antoine de Latour

L’astre rouge

Sur les continents morts, les houles léthargiques
Où le dernier frisson d’un monde a palpité
S’enflent dans le silence et dans l’immensité ;
Et le rouge Sahil, du fond des nuits tragiques,
Seul flambe, et darde aux flots son œil ensanglanté.
 
Par l’espace sans fin des solitudes nues,
Ce gouffre inerte, sourd, vide, au néant pareil,
Sahil, témoin suprême, et lugubre soleil
Qui fait la mer plus morne et plus noires les nues,
Couve d’un œil sanglant l’universel sommeil.
 
Génie, amour, douleur, désespoir, haine, envie,
Ce qu’on rêve, ce qu’on adore et ce qui ment,
Terre et Ciel, rien n’est plus de l’antique Moment.
Sur le songe oublié de l’Homme et de la Vie
L’Œil rouge de Sahil saigne éternellement.

Poèmes tragiques (1895)

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