Victor Hugo

Vois, cette branche est rude, elle est noire

Ô les tendres propos et les charmantes choses
Que me disait Aline en la saison des roses !
Doux zéphyrs qui passiez alors dans ces beaux lieux.
N’en rapportiez-vous rien à l’oreille des dieux ?

SEGRAIS.

    Vois, cette branche est rude, elle est noire, et la nue
    Verse la pluie à flots sur son écorce nue ;
    Mais attends que l’hiver s’en aille, et tu vas voir
    Une feuille percer ces noeuds si durs pour elle,
    Et tu demanderas comment un bourgeon frêle
    Peut, si tendre et si vert, jaillir de ce bois noir.
 
    Demande alors pourquoi, ma jeune bien-aimée,
    Quand sur mon âme, hélas ! endurcie et fermée,
    Ton souffle passe, après tant de maux expiés,
    Pourquoi remonte et court ma sève évanouie,
    Pourquoi mon âme en fleur et tout épanouie
    Jette soudain des vers que j’effeuille à tes pieds !
 
    C’est que tout a sa loi, le monde et la fortune ;
    C’est qu’une claire nuit succède aux nuits sans lune ;
    C’est que tout ici-bas a ses reflux constants ;
    C’est qu’il faut l’arbre au vent et la feuille au zéphire ;
    C’est qu’après le malheur m’est venu ton sourire ;
    C’est que c’était l’hiver et que c’est le printemps !

Les feuilles d’automne (1831)

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