Quand d’une aube d’amour mon âme se colore,
Quand je sens ma pensée, ô chaste amant de Laure,
Loin du souffle glacé d’un vulgaire moqueur,
Eclore feuille à feuille au plus profond du cœur,
Je prends ton livre saint qu’un feu céleste embrase,
Où si souvent murmure à côté de l’extase
La résignation au sourire fatal,
Ton beau livre, où l’on voit, comme un flot de cristal
Qui sur un sable d’or coule à sa fantaisie,
Tant d’amour ruisseler sur tant de poésie !
Je viens à ta fontaine, ô maître ! et je relis
Tes vers mystérieux par la grâce amollis,
Doux trésor, fleur d’amour qui, dans les bois recluse,
Laisse après cinq cents ans sont odeur à Vaucluse !
Et tandis que je lis, rêvant, presque priant,
Celui qui me verrait me verrait souriant,
Car, loin des bruits du monde et des sombres orgies,
Tes pudiques chansons, tes nobles élégies,
Vierges au doux profil, sœurs au regard d’azur,
Passent devant mes yeux, portant sur leur front pur,
Dans les sonnets sculptés, comme dans des amphores,
Ton beau style, étoilé de fraîches métaphores !