Victor Hugo

Le grand siècle

Ce siècle a la forme
D’un monstrueux char.
Sa croissance énorme
Sous un nain césar,
 
Son air de prodige,
Sa gloire qui ment,
Mêlent le vertige
À l’écrasement.
 
Louvois pour ministre,
Scarron pour griffon,
C’est un chant sinistre
Sur un air bouffon.
 
Sur sa double roue
Le grand char descend ;
L’une est dans la boue,
L’autre est dans le sang.
 
La Mort au carrosse
Attelle,—où va-t-il ?—
Lavrillière atroce,
Roquelaure vil.
 
Comme un geai dans l’arbre,
Le roi s’y tient fier ;
Son coeur est de marbre,
Son ventre est de chair.
 
On a, pour sa nuque
Et son front vermeil,
Fait une perruque
Avec le soleil.
 
Il règne et végète,
Effrayant zéro
Sur qui se projette
L’ombre du bourreau.
 
Ce trône est la tombe ;
Et sur le pavé
Quelque chose en tombe
Qu’on n’a point lavé.

Les chansons des rues et des bois (1865)

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