Victoire Babois

Les musiciens ambulants.

Sans crainte, mon Annette, ah ! revoyons le jour.
En regardant ton fils que ta peine s’oublie.
       Comment ne pas chérir sa vie
       Quand elle appartient à l’amour ?
Du courage qu’il donne il est la récompense.
Prends ta harpe, chantons l’amour et la constance.
 
Pour toi d’un triste hymen on préparait le jour ;
Fuir ou mourir, dit-il ; et nous eûmes des ailes.
       Devant nos pas ses soins fidèles
       Présentaient un heureux détour.
Sa main de notre fuite effaçait l’apparence.
Prends la harpe, chantons l’amour et la constance.
 
A la nuit ténébreuse il était son horreur ;
Il ouvrait des chemins, éclairait les abîmes,
       Des rochers abaissait les cimes,
       Et sa force était dans mon cœur.
Il fit notre destin. Qu’il soit notre espérance.
Prends ta harpe, chantons l’amour et la constance.
 
De ta voix si touchante n’anime l’accent,
Lorsqu’au seuil des palais, tremblante, l’œil humide,
       Tu caches ta fierté timide
       Pour attendrir l’homme opulent.
Dans un art plein de charme il mil notre espérance.
Prends ta harpe, chantons l’amour et la constance.
 
Pour éveiller les grands au fond de leur séjour,
Il s’unit à nos chants, et, traversant la pierre,
       Il leur arrache le salaire
       Qui suffit aux besoins du jour :
Et pour le jour d’après il donne l’espérance :
Prends ta harpe, chantons l’amour et la constance.
 
Ce doux fruit de l’hymen anime nos travaux.
Sur le sein maternel qu’un fils a de puissance !
       Le sourire de l’innocence
       Sait faire oublier bien des maux.
Pour ce gage chéri combattons l’indigence :
Prends ta harpe, chantons l’amour et la constance.
 
Quand ton cœur, attristé par d’importuns soucis,
Etouffe un long soupir, sur ton charmant visage
       Je vois renaître le courage ;
       Tes regards ont cherché ton fils.
Avec nos doux refrains amusons son enfance :
Prends ta harpe, chantons l’amour et la constance.
 
Oui, l’amour nous rendra nos champs, notre hameau
L’amour apaisera ta mère tant chérie ;
       Tu la verras, tendre et ravie,
       Bénir ton fils sur son berceau ;
Et nous, près d’elle assis au sein de l’abondance,
Nous chanterons encore l’amour et la constance.

Élégies et poésies diverses (1828)

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