Victoire Babois

Le rendez-vous.

L’autre matin, sous la fraîche coudrette,
Le beau Colin, loin des regards jaloux,
S’imaginait trouver encore Lisette
Une heure au moins après le rendez-vous.
 
« Il est trop tard, lui dis-je, elle est partie.
Ah ! Comme toi si j’avais pu, Colin,
Donner parole à si charmante amie.
Je me serais éveillé plus matin.
 
Je la suivais... Dieux ! Comme elle est jolie !
Tout en rêvant d’un air sombre et distrait,
Elle a tourné ses pas vers la prairie :
Ali ! Que j’aurais de honte et de regret ! »
 
Le beau Colin, pour suivre son amie,
Fuit la coudrette et s’éloigne à grands pas ;
Mais, las ! En vain il la presse, il supplie ;
Lise fuyait, et ne l’écoutait pas.
 
Un jeune enfant jouait sur la verdure ;
Il poursuit Lise, il l’appelle à son tour.
« Ah ! disait-il, pour venger ton injure
Punis l’amant, mais pardonne à l’Amour. »
 
Lise s’étonne et retourne la tête ;
L’enfant malin voit son tendre embarras ;
D’abord timide, il s’approche, il s’arrête ;
Lise sourit : l’Amour est dans ses bras.
 
Colin sut mettre à profit l’aventure.
Je les revis seuls au déclin du jour :
La tendre Lise, en pardonnant l’injure,
Grondait l’amant et caressait l’Amour.
 
Si, d’une belle offensant la tendresse,
Vous désirez l’apaiser au retour,
De votre esprit n’empruntez pas l’adresse
Pour interprète il faut choisir l’Amour.

Élégies et poésies diverses (1828)

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