Nérée Beauchemin

Fleurs d’aurore

Comme au printemps de l’autre année,
Au mois des fleurs, après les froids,
Par quelque belle matinée,
Nous irons encore sous bois.
 
Nous y verrons les mêmes choses,
Le même glorieux réveil,
Et les mêmes métamorphoses
De tout ce qui vit au soleil.
 
Nous y verrons les grands squelettes
Des arbres gris, ressusciter,
Et les yeux clos des violettes
À la lumière palpiter.
 
Sous le clair feuillage vert tendre,
Les tourterelles des buissons,
Ce jour-là, nous feront entendre
Leurs lentes et molles chansons.
 
Ensemble nous irons encore
Cueillir dans les prés, au matin,
De ces bouquets couleur d’aurore
Qui fleurent la rose et le thym.
 
Nous y boirons l’odeur subtile,
Les capiteux aromes blonds
Que, dans l’air tiède et pur, distille
La flore chaude des vallons.
 
Radieux, secouant le givre
Et les frimas de l’an dernier,
Nos chers espoirs pourront revivre
Au bon vieux soleil printanier.
 
En attendant que tout renaisse,
Que tout aime et revive un jour,
Laisse nos rêves, ô jeunesse,
S’envoler vers tes bois d’amour !
 
Chère idylle, tes primevères
Éclosent en toute saison ;
Elles narguent les froids sévères
Et percent la neige à foison.
 
Éternel renouveau, tes sèves
Montent même aux coeurs refroidis,
Et tes capiteuses fleurs brèves
Nous grisent comme au temps jadis.
 
Oh ! oui, nous cueillerons encore,
Aussi frais qu’à l’autre matin,
Ces beaux bouquets couleur d’aurore
Qui fleurent la rose et le thym.

Les floraisons matutinales (1897)

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