de Linja
Je me demande souvent si leur création ne résiderait pas dans ma gorge. C’est en tout cas à cet endroit-là que je sais qu’elles sont nées. Lieu de rencontre et d’ultimatums, c’est là-bas qu’elles forment des rondes pour me rencontrer. Mes cordes vocales en sont souvent gênées et désemparées, ne m’offrant plus qu’une voix cassée.
Je n’aime pas savoir qu’elles sont là, parce qu’alors en moi débute un combat. L’annonce de leur existence n’est rien d’autre qu’un coup de pistolet. Coup de fusil même, parfois, lancé pour donner le départ d’une lutte entre elles et moi.
Je ne peux alors plus prendre aucun répit. Ce serait leur donner trop de force. Tout se joue à la moindre faiblesse. Soit je les écrase dès le départ, soit elles se faufilent dans la moindre faille et montent.
Montent toujours plus vite,
Montent toujours plus fort,
Asséchant ma bouche, en moi elles se frayent un chemin, qu’elles creusent tel un chirurgien, sans anesthésie. Elles ne forment plus qu’un dans leur montée jusqu’à atteindre mes yeux.
C’est là que je les hais le plus, là qu’elles prennent vie. Elles transforment notre combat interne en une matérialisation de ma défaite qu’elles marquent sur mon visage humidifié.
Elles imposent à ma bouche leur goût salé.
Peut-être iront-elles un jour jusqu’à m’en noyer ?