Henri-Frédéric Amiel

Une nuit sur la plage.

Sur le sombre Océan tombait la nuit tranquille ;
Les étoiles perlaient au ciel silencieux ;
Le flot montait sans bruit sur le sable de l’île...
Ô nuit, quel souffle alors vint me mouiller les yeux ?
 
Le froid saisit mon cœur, quand, muet, immobile,
Étendu sur la grève, et le front vers les cieux,
Je sentis, comme on sent que sur la vague il file,
La Terre fuir, sous moi, navire audacieux !
 
Du pont de ce vaisseau qui m’emportait, sublime,
Je contemplai, nageant sur l’éternel abîme,
Les flottes des soleils au voyage béni ;
 
Et, d’extase éperdu, sous les voûtes profondes,
J’entendis, ô Seigneur, dans l’éther infini,
La musique du temps et l’hosanna des mondes.

Grains de mil (1854)

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