Henri-Frédéric Amiel

Novembre.

Beaux jours, vous n’avez qu’un temps,
     Et souvent qu’une heure !
Quand gémissent les autans,
     Il faut que tout meure.—
Calme-toi, cœur agité ;
Fleurs, oiseaux, joie et santé,
     S’en vont !—Dieu demeure.
 
Doux soleil aux rayons d’or
     Égayant la chambre,
Rive où le chagrin s’endort,
     Vergers couleur d’ambre,
Lac si pur, contours chéris,
Monts riants, sentiers fleuris,
     Adieu !—c’est Novembre.
 
Ô solitude des bois,
     Calme et recueillie,
Aujourd’hui nue et sans voix,
     De brouillard remplie,
Mon cœur frémit en secret,
Car en lui monte, ô forêt,
     Ta mélancolie !
 
Frais lointains, aubes de feu,
     Chants dans la vallée,
Couchants de pourpre, ciel bleu
     Et nuit étoilée,
Adieu ! Novembre est vainqueur.—
Tu te voiles dans mon cœur,
     Nature voilée !
 
Tout est gris, morne et désert :
     Au ciel, plus de flamme,
Dans les champs, plus rien de vert !
     Quel est donc ce drame ?—
Nature, en tes traits pâlis,
L’œil humide, hélas ! je lis
     L’histoire de l’âme.
 
Mais le printemps reviendra
     Guérir qui se traîne !
La beauté refleurira
     Sur ton front, ô reine !—
Dans ma nuit, ainsi que toi,
Je veux descendre avec foi,
     Nature sereine !

Grains de mil (1854)

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