Alphonse Beauregard

Intermède.

L’homme songeait : « Qui cherche attaque le granit,
         Mes victoires sont des désastres.
         Je suis cloué sous le zénith
Et je voulais saisir, à l’horizon, des astres.
 
         « Tout m’échappe. Comment savoir
Si le but du soleil est d’éclairer des mondes
Ou de se préparer, dans la flamme, aux devoirs
         D’une maturité féconde ?
 
« La noix est-elle germe ou repas d’écureuil ?
Est-ce pour engendrer une race d’idées
         Ou nourrir d’éclatants orgueils
Que de sang et de pleurs l’histoire est inondée ?
 
         « Pour le bien vaut-il mieux choisir
Plus d’amour et de vie et de mort et de râles.
         Ou moins d’êtres et de désirs
Et moins de massacrés dans la lutte fatale ?
 
« Tout me confond. Pourquoi ce monde qui maintient
         Dans le néant sa course énorme ?
Que penser ? Je ne vois que défiler des formes
         Et qui ne sait tout ne sait rien.
 
         « Loin de moi, recherche inutile !
         Léger d’esprit, dorénavant,
         J’irai dans l’attirante ville
         Me griser de plaisir mouvant.
 
         « J’emplirai mes heures oisives
         De jeu, de spectacles, de sport,
         De bruit avec de gais convives
         Et, riant, j’attendrai la mort. »
 
Lors dansa dans la rue un tourbillon de neige
         Et l’homme réfléchit : « Que sais-je
Des raisons qu’a le vent, ici, de tournoyer ?
Que sais-je de la force excepté l’employer ?
Que sais-je des secrets que l’animal pénètre ?
Que sais-je de moi-même et de mon propre sang ? »
 
Il sentit déborder son vouloir frémissant
Et reprit le travail fabuleux de connaître.

Les alternances (1921)

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