Alphonse Beauregard

Volonté.

Dans l’ébullition de mon âge indompté,
J’allais droit à mon but, sûr que ma volonté,
Ni du temps, ni du lieu, ni des êtres sujette,
Me faisait à ma guise homme ou marionnette,
Commandait mon élan, seule guidait ma main.
 
Sachant que le bonheur conquis est parfois vain,
Je m’amusais d’avance à voir, comme au théâtre,
Sous le marteau de mon idée opiniâtre
Les obstacles craquer de la toiture au seuil.
 
On m’a dit : « Le vouloir dont tu fais ton orgueil
N’est que l’éclair jailli des passions heurtées,
Le mouvement qu’imprime une mer démontée
Au navire qui semble en dompter la fureur.
Les forces décrétaient l’action dans ton cœur. »
 
J’ai souri. Cependant les cyniques paroles
Sonnèrent, demandant la mort de mon idole,
Jusqu’au jour où, lassé de leur bruit de coucou,
Je me mis à fouir dans ma pensée un trou.
 
Plus j’avançais et plus le doute prenait vie.
Comme je dois garder l’illusion bénie
D’être mon dictateur unique, si je veux
Exulter en courbant le sort capricieux,
Je n’osai pas scruter mes gestes davantage.
 
J’eus peur de m’affaiblir en devenant un sage.

Les alternances (1921)

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