Victoire Babois

La touchante amitié.

D’amour, dans son heureux printemps
Que femme soit le doux salaire ;
Que femme, au midi de ses ans,
D’amour écoute la prière :
Mais qu’amitié vienne à son tour ;
Dans nos cœurs que sa flamme habite ;
     Puis, avant qu’il nous quitte,
     Il faut quitter l’amour.
 
D’un lien tardif on se rit.
Sous de trop accablantes chaînes
L’amour alors nous avilit,
Et nous n’avons plus que ses peines.
De vœux, de plaisirs et d’atour,
Femmes, changeons, changeons bien vite :
     C’est avant qu’il nous quitte
     Qu’il faut quitter l’amour.
 
Quand nous pouvons encore choisir,
Lorsque la grâce encore nous reste,
De l’amitié qui vient s’offrir
Acceptons l’hommage modeste :
Nous lui donnons si doux retour,
Que femme s’aperçoit à peine,
     Dans cette aimable chaîne,
     Qu’elle a quitté l’amour.
 
Mais non, la touchante amitié
Pour nous c’est l’amour sans ivresse ;
Avec elle il est de moitié,
Et son charme nous suit sans cesse.
Ses tourments ont fui pour jamais,
Sans emporter sa douce flamme
     Elle vit dans notre âme,
     Et notre âme est en paix.

Élégies et poésies diverses (1828)

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