Victoire Babois

D’où vient ce tourment plein de charmes.

D’où vient ce tourment plein de charmes,
Qui trouble mon cœur abattu ?
Je cherche, et je n’ai rien perdu ;
Mais pour qui donc coulent mes larmes ?
Douleur que j’aime est avec moi ;
Hélas ! Dites-moi donc pourquoi.
 
Le murmure des eaux m’attire
Au bord des ruisseaux gémissants.
Je fuis les jeux, les feux brillants,
Pour Philomèle qui soupire :
Elle se plaint tout comme moi ;
Hélas ! Dites-moi donc pourquoi.
 
Je crains l’éclatante harmonie
De nos belliqueuses chansons ;
J’aime et je retiens tous les sons
De la douce Mélancolie :
Elle soupire comme moi ;
Hélas ! dites-moi donc pourquoi.
 
Assise seule au pied d’un chêne,
Mon front s’incline sur ma main,
Puis je sens se gonfler mon sein ;
Mes nœuds, mon voile, tout me gêne :
En vain je demande pourquoi ;
Le savez-vous ? Dites-le-moi.
 
Si j’aime une grotte bien sombre,
Si je cherche un obscur sentier,
Si je veux fuir le monde entier,
Ah ! Voyez-vous, c’est que dans l’ombre
Ma douleur est mieux avec moi ;
Hélas ! Dites-moi donc pourquoi.
 
Le soir, je me plais en silence
A contempler un ciel d’azur.
Ah ! Comme lui mon cœur est pur ;
Mais quelle est donc cette souffrance,
Que j’aime et qui me fait languir ?
Dites-le-moi, dois-je en mourir ?

Élégies et poésies diverses (1828)

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