La mer II
Les yeux comme des trous
Et les mamelons hérissés
Par les mains du vent
La mer salive
Et abandonne ses cimetières
De coquillages et de végétaux
Sur le rivage.
La mer
Montre ses seins lourds
Au ciel tourmenté.
Son ventre ondule
Se convulse, se relâche
Et augmente de volume
Lâchant ses troupeaux
De vagues écumeuses.
*
Quand la colère se dissipe
La mer retrouve un visage
Au gré du temps.
Avec la tristesse
Des larmes naissent
Sur ses joues grisâtres
Et se mêlent à la verticalité.
Les pieuvres du soupir
Se glissent dans les épaves
Où chantait le rhum
Loin des berges mornes.
Amoureuse
La bouche sensuelle
Elle enlace le ciel azuré
Et caresse le dos des rochers.
Traversée de lumières
De son divan transparent
On voit danser les poissons
Et les mammifères.
Rayonnante
Les yeux pétillants
Elle enfièvre les voiles
Et les flancs des coques.
Les sirènes effrénées
Dénouent leur corsage
Et allaitent les rêves
Des navigateurs.
*
Aimantée par la lune
La mer a déserté les plages
Et le ciel pleure
De ne plus voir
Sa belle robe en dentelle.
Les fauves du jour
L’ont mise en lambeaux
Et dans les flaques
Les poissons se morfondent
Au fond de leur prison.
Dehors
C’est la steppe
Dehors
C’est la mort.
Mais déjà
Résonnent les galops.
La croupe cinglée
Par le fouet de Neptune
Les chevaux en sueur
Hennissent sur les rochers
Agitant leur crinière iodée.
Déjà
Les déserts se noient
Sous le flux des sabots.
Les prisons ouvrent leur porte
Et la mer changera de robe.
