Jean Aicard

L’ange et l’enfant.

     Il lui disait : « Je suis ton frère ;
     Ne te souvient-il plus des cieux ?
     Leur doux reflet brille en tes yeux :
     Tu n’es pas l’enfant de la terre ! »
 
Et l’ange souriait et lui tendait les bras ;
L’enfant semblait dormir et ne répondait pas.
 
     « Déjà les portes éternelles,
     Enfant, sont ouvertes pour toi ;
     Viens ; je te donnerai des ailes :
     Tu t’envoleras avec moi !
 
     « Bien souvent tu vois dans ton rêve
     Des rubis, des perles, des fleurs ;
     Pour ne te laisser que des pleurs,
     Ce vain songe trop tôt s’achève. »
 
Et l’ange souriait et lui tendait les bras ;
L’enfant semblait dormir et ne répondait pas.
 
     « Je ne veux pas que tu t’éveilles ;
     Blond chérubin, remonte aux cieux ;
     Tu retrouveras ces merveilles
     Dont le songe éblouit tes yeux.
 
     « Viens ; tu courras dans les allées,
     Sur le sable d’un grand jardin ;
     Je te conduirai par la main
     Jusques aux voûtes étoilées. »
 
Et l’ange souriait et lui tendait les bras ;
L’enfant semblait dormir et ne répondait pas.
 
     « N’entends-tu pas l’appel des anges ?
     Va jouer dans le firmament ;
     Sors de la vie et de ses langes
     Dans les plis de mon vêtement !
 
     « Tu verras des fleurs immortelles,
     Des diamants dans les ruisseaux,
     Des fruits d’or, et de blancs oiseaux
     Qui laissent caresser leurs ailes ! »
 
Et l’ange souriait et lui tendait les bras ;
L’enfant semblait dormir et ne répondait pas.
 
     « Oh ! que veux-tu que je te donne,
     Frère, si tu viens avec moi ?
     Prends les rayons de ma couronne :
     Ces fleurons divins sont à toi.
 
     « Tu ne sais pas que la souffrance
     Ici-bas pourrait t’accabler !
     Viens, suis-moi : je vais m’envoler...
     Pauvre ami, je suis l’Espérance ! »
 
Et l’ange souriait et lui tendait les bras ;
L’enfant semblait dormir et ne répondait pas.
 
     « Quoi ? Tu veux rester sur la terre,
     Tout seul, jouet de la douleur ?
     Et le ciel t’offrait le bonheur !...
     Enfant, dans le ciel est ta mère ! »
 
Et deux anges fuyaient, heureux, loin d’ici-bas ;
Et l’enfant endormi ne se réveilla pas !

Les jeunes croyances (1867)

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