Pourquoi ne pas aimer lorsqu’on est jeune et belle,
Qu’on a la joue en fleur et que sous son corset,
Où le sein devient fort à rompre le lacet,
On aperçoit éclore en leur nid de dentelle
Mille petits amours qui, du bout de leur aile,
Lutinent le désir qui s’éveille en secret.
Pourquoi ne pas aimer quand on a taille ronde,
Quand on a des yeux bleus purs comme un diamant,
Et des cheveux si beaux sur un front si charmant,
Qu’on est sûre à tout pas que l’on fait par le monde,
D’accrocher en passant à chaque boucle blonde,
La haine d’une femme et le cœur d’un amant.
Pourquoi ne pas aimer quand l’espiègle folie,
A fui devant cet âge où le cœur doit changer,
Cet âge où, soupirant sur un rythme étranger,
La voix cherche des airs dont la mélancolie.
Semble un écho lointain des brises d’Italie,
Lorsqu’elles font la cour aux fleurs de l’oranger.
Si j’étais femme, moi, j’aimerais solitaire
A parcourir le soir les bois silencieux,
Au bras de l’homme élu qui me plairait le mieux,
Et là, tous deux vêtus des ombres du mystère,
Donner et recevoir, oublieux de la terre,
Le premier baiser doux à la face des cieux.
Si j’étais femme, moi, je soufflerais mon âme
Au cœur de mon amant pour le faire souffrir
D’une blessure ardente, impossible à guérir ;
Puis, après des baisers brûlants comme la flamme,
Je lui livrerais tant tous mes charmes de femme,
Que je l’enivrerais à l’en faire mourir.
Blonde rêveuse, ainsi qu’une douce pervenche,
Dans les pleurs de l’aurore éteignant sa couleur,
Votre teint rose et blanc s’est voilé de pâleur.
Serait-ce pour avoir trop longtemps, sur la branche,
Contemplé le ramier près sa palombe blanche,
Ou quelque papillon caressant une fleur ?
Ô ma charmante, hélas ! il est bon d’être sage,
Car la mer des amours cache plus d’un écueil ;
Mais aimer est si doux que je ne puis sans deuil
Voir de vierge murée en sa vertu sauvage.
Si le cloître est un port, c’est un port d’esclavage,
Où toute vive on cloue une âme en un cercueil.