Lasse et les cils battants, heureuse, elle se penche,
Abandonne son corps au bras qui le soutient,
Ouvre à demi des yeux que le plaisir éteint,
Et frissonne en offrant sa jeune gorge blanche
Aux baisers du héros qui tremble à ses genoux.
Hélas ! Tu sais pourtant qu’elle est fertile en ruses,
Tu sais qu’en laissant voir tes larmes tu l’amuses
Et que son cœur te trompe à chacun de ses coups :
Et tu mets à ses pieds ta plus fière tendresse !
« Maîtresse, lui dis-tu, douce et belle maîtresse,
Blotti dans le brûlant oreiller de ta chair,
J’attends, ce soir, avec un grand orgueil amer,
Que ta lampe s’éteigne et que tu me trahisses.
Femme, joie incertaine et perfides délices.
Soulève mes cheveux pesants sur tes bras lisses ;
D’un charme sûr endors le héros résigné
Qui berce dans ton lit sa force humiliée. »
Tu parlais ; et sa main, des tiennes déliée,
Aux Philistins furtifs déjà t’a désigné.
Dans l’ombre de l’alcôve où la trahison rampe
Samson, las de l’effort, abdique, et, dédaigneux.
Frémit sous l’acier froid qui le baise à la tempe.
Il sommeille et sourit, rêve et ferme les yeux,
Pardonne... et Dalila lui tranche les cheveux.
Oublieux des labeurs ardus et de la lutte.
Ainsi l’homme souvent qu’une fausse douceur
Presse de renoncer son destin et son cœur
S’abandonne soudain à consommer sa chute.
Les chaudes voluptés enivrent son remords,
Et, vaincu par le miel de ta bouche embaumée,
Il se laisse lier les poings, ô bien-aimée,
Et courbe en soupirant sa tête désarmée
Devant l’harmonieux mensonge de ton corps.