La paix, toujours et vainement briguée,
La paix me fuit ; oh ! je suis fatiguée !
Je voudrais vivre, et ne veux plus courir :
Vivre, pour moi, serait ne rien entendre,
Ne rien prévoir, surtout ne rien attendre,
Rêver enfin, car penser c’est souffrir.
Que j’ai de fois, durant les longues veilles,
D’un monde fée évoqué les merveilles !
Monde, où du moins souhaiter c’est avoir !
A tout esprit fier, avide, mobile,
Hôte d’un corps paresseux et débile,
Le ciel devrait ce magique pouvoir !
Ces vieux secrets, traités de rêverie,
Dons de cabale et de sorcellerie,
Albert-le-Grand, Flamel et ses fourneaux,
Tout manque à l’homme amoureux de mystère ;
Et j’ai regret au peuple élémentaire
De l’air, du feu, de la terre et des eaux.
S’il était vrai que la flamme folâtre,
Sur mes tisons dansant en jet bleuâtre,
Fût un génie ardent, capricieux !
Si, du milieu d’un tourbillon de cendre,
En pétillant, quelque beau salamandre,
De mon foyer s’élançait radieux !...
Si, tout-à-coup, dans la nuit pluvieuse,
Des gouttes d’eau la chute harmonieuse
Me révélait un être intelligent ;
L’esprit des eaux, esprit au doux murmure,
Mêlant aux flots la verte chevelure
Que sur son front presse un réseau d’argent.
Si les soupirs des vents et des tempêtes,
Sombres concerts, mugissant sur nos têtes,
Étaient la voix des puissances de l’air !
Sylphes légers, qui volent sur la brise,
Laissant au loin flotter leur mante grise,
En plis obscurs, d’où s’échappe l’éclair !...
Oh ! qu’à mes vœux une force brûlante
Fraîrait alors une route moins lente !
Que de doux bruits passeraient dans mes vers,
Bruits fugitifs, nés de l’empire humide !
Comme soudain quelque souffle rapide
M’emporterait au bout de l’univers !...
Toi, terre, hélas ! qu’attendre de tes gnomes,
Nains malfaisants, hideux semblant des hommes !...
Taisons des vœux qu’ils n’exauceraient pas.
Il n’est pour moi, dans leurs trésors sans nombre.
Qu’un don, un seul ! La fosse étroite et sombre,
Incessamment béante sons nos pas !