Charme puissant qui nous maîtrise,
Esprit léger,
Pareil au duvet, que les brises
Font voltiger ;
Pauvre de tes douceurs absentes,
Que j’ai passé de nuits pesantes,
Que de longs jours !
De ces jours, dont la lente suite,
Sans rien laisser d’eux que leur fuite,
Passe toujours !
Oh ! par quelle ruse nouvelle
Te ressaisir,
Démon capricieux, fidèle
Au seul plaisir ?
Importuné d’un pli de rose,
Tu fuis la tristesse que cause
Ton abandon ;
Ami, que la plainte effarouche,
Et qui craindrais de notre bouche
Même un pardon.
Si l’humble lézard, du bois sombre
Hôte furtif,
D’une feuille voit trembler l’ombre,
Il fuit craintif :
De même, à la pénible haleine
D’un sein par l’attente ou la peine
Trop agité,
Ton aile soudain se déploie,
Ingrat, qui ne cherches que joie
Et liberté !
D’où vient, dis-moi, que tu t’empresses
D’un plus doux soin,
Vers ceux-là, qui de tes caresses
N’ont pas besoin ?
Reviens à moi ; ma plainte amère,
Sous une mesure légère
Se courbera :
Ici, moins serviteur que maître,
Reviens, et la pitié peut-être
Te retiendra.
Tout ce que ton amour préfère,
Je l’aime, Esprit !
La verte saison, où la terre
S’habille et rit ;
Le crépuscule et ses longs voiles ;
La nuit et son manteau d’étoiles ;
Le gai matin,
Qui, les pieds mouillés de rosée,
Pare de sa robe rosée
Le mont lointain.
J’aime les neiges radieuses
De nos climats,
Et les formes mystérieuses
Des blancs frimas ;
J’aime les mobiles nuages,
Les vagues, les vents, les orages,
Le bleu des mers ;
Toute chose enfin qu’on me nomme
Libre des misères de l’homme,
Dans l’univers.
J’aime une calme solitude
Pour m’apaiser ;
Puis encore j’aime, après l’étude,
Un doux causer ;
J’aime, fût-elle mensongère,
Une émotion passagère,
Mais non sans toi :
Sans toi mon cœur les goûte à peine,
Et seul, ton pouvoir les ramène
Autour de moi.