Le soir répandait son mystère
Sur le bois chaste et solitaire ;
Le rossignol harmonieux
Déployait sa voix cadencée,
Et chaque feuille balancée
Rendait un son mélodieux.
Assis sous la verte ramée,
Je sentais la brise embaumée
Passer sur mon front incliné :
Et dans mes vagues rêveries,
J’effeuillais des branches fleuries
Sur un buisson abandonné.
Entouré d’ombre et de silence
Comme l’oiseau qui se balance
Seul, sur les rameaux agités :
J’aurais voulu, plein de mystère,
Une colombe solitaire
Qui vînt s’asseoir à mes côtés.
Une vierge paraît... l’automne
De pampre a tressé sa couronne :
Ses yeux méconnaissent les pleurs :
L’Amour la couvre de son aile,
Et les trois Grâces autour d’elle
Ceignent des guirlandes de fleurs.
Zéphyr, de son aile mouvante,
Enfle sa gaze transparente ;
Les Désirs gonflent son sein nu.
Dans ma main posant sa main blanche,
Sa tête sur mon front se penche,
Et rit d’un sourire ingénu.
Vois, dit-elle, je suis la muse,
Le poète avec moi s’amuse
Dans les bras de la Volupté.
Ami, je te donne ma lyre :
Le dieu d’Amour seul y soupire :
Ses accents sont pour la gaîté.
Séduit par la taille légère
De cette vierge peu sévère,
J’allais recevoir son présent ;
Et déjà ma lèvre timide
Déposait un baiser humide
Sur son sein rose et frémissant.
Lorsque bientôt, sous la feuillée,
Une autre vierge échevelée
Conduit ses pas mystérieux :
Autour de son beau cou d’albâtre,
Et sans ornement idolâtre,
Pendait un luth silencieux.
Ses pieds ne laissent point de trace
Le myrthe au cyprès s’entrelace
Sur son front à demi penché :
Et de son aile qu’elle agite
Au milieu des airs qu’elle irrite,
Un doux parfum s’est épanché.
Un ange soulève son voile :
Sur sa tête brille une étoile ;
Des larmes tremblent dans ses yeux.
De la muse c’est la rivale,
Et sa voix en ces mots s’exhale
Comme un soupir mélodieux :
—Je suis la vierge du poète :
Sa voix en son âme inquiète
Souvent cadença des sanglots :
Et dans mes plus beaux jours de fête,
Si des fleurs brillent sur ma tête,
Je les cueille près des tombeaux.
Mon luth, quand un souffle l’effleure,
De loin semble une voix qui pleure
Et qui sait aussi consoler ;
Si tu veux, prends ce don magique :
Mais crains qu’un jour, mélancolique
Tu ne veuilles me rappeler :
Car si jamais ta main le touche,
Écoute l’aveu de ma bouche,
Moi, je ne le reprendrai plus :
Si pourtant sa corde plaintive
Ton âme, en résonnant, captive,
Fixe tes vœux irrésolus.—
Et le luth sous ses doigts s’éveille,
Ses sons plaintifs à mon oreille
Expirent plus mélodieux,
Elle s’envole ; son luth tombe ;
Je la suis comme une colombe,
Elle était déjà dans les cieux.
Par mes pleurs la lyre amollie,
Ou de pâles fleurs embellie,
A rendu de sombres accents :
Triste en la voyant se détendre,
Souvent j’aurais voulu la rendre,
Mais, hélas ! Il n’était plus temps.