Chargement...
Aimé Césaire

Le Temps de la Liberté

Le whisky avait dénoué ses cheveux sales et flottait sur la force des fusils la carapace des tanks et les jurons du juge
 
O jour non lagunaire
 
plus têtu que le bœuf du pays baoulé
 
qui a dit que l’Afrique dort
 
que notre
Afrique se cure la gorge
 
mâche du kola boit de la bière de mil et se
 
rendort
 
la
TSF du
Gouverneur avait colporté ses
 
mensonges amassé le fiel dans la
 
poche à fiel des journaux c’était l’an
 
1950 au mois de février qui dans le vocabulaire
 
des gens de par ici s’appellera la saison
 
du soleil rouge
 
Cavally
Sassandra
Bandama
 
petits fleuves au mauvais nez qui à travers vase et pluie
 
d’un museau incertain cherchez
 
petits fleuves au ventre gros de cadavres
 
qui a dit que l’Afrique se terre frissonne
 
à l’harmattan a peur et se rendort
 
Histoire je conte l’Afrique qui s’éveille
 
les hommes
 
quand sous la mémoire hétéroclite des chicotes
 
ils entassèrent le noir feu noué
 
dont la colère traversa comme un ange
 
l’épaisse nuit verte de la forêt
 
Histoire je conte l’Afrique qui a pour armes
 
ses poings nus son antique sagesse sa raison toute nouvelle
 
Afrique tu n’as pas peur tu combats tu sais mieux que
 
tu n’as jamais su tu regardes les yeux dans les yeux
 
des gouverneurs de proie des banquiers périssables
 
belle sous l’insulte
Afrique et grande de ta
 
haute conscience et si certain le jour
 
quand au souffle des hommes les meilleurs aura disparu la tsé-tsé colonialiste

Autres oeuvres par Aimé Césaire...



Haut