Caricamento in corso...
Aimé Césaire

De Forlonge

Les maisons de par ici au bas des montagnes
 
ne sont pas aussi bien rangées que des godillots
 
les arbres sont des explosions dont la dernière étincelle
 
vient écumer sur mes mains qui tremblent un peu
 
désormais je porte en moi
 
la gaine arrachée d’un long palmier
 
comme serait le jour sans ton souvenir
 
la soie grège des cuscutes
 
qui au piège prennent le dos du site
 
de la manière très complète du désespoir
 
des ceibas monstrueux seuls auxquels
 
dès maintenant je ressemblerais dépouillé des feuilles
 
de mon amour
 
je divague entre houle et javelles que fait tumultueuse
 
la parole des albizzias
 
il y a en face de moi un paysan extraordinaire
 
ce que chante le paysan c’est une histoire
 
de coupeur de cannes
 
han le coupeur de cannes
 
saisit la dame à grands cheveux
 
en trois morceaux la coupe
 
ah le coupeur de cannes
 
la vierge point n’enterre
 
la coupe en morceaux
 
les jette derrière ah
 
le coupeur de cannes
 
chante le paysan et vers un soir de coutelas s’avance
 
sans colère
 
les cheveux décoiffés de la dame aux grands cheveux
 
font des ruisseaux de lumière
 
ainsi chante le paysan
 
Il y a des tas de choses dont je ne sais pas le nom
 
et que je voudrais te dire
 
au ciel ta chevelure qui se retire solennellement
 
des pluies comme on n’en voit jamais plus des noix
 
des feux
Saint-Elme
 
des soleils lamés des nuits murmurées
 
des cathédrales aussi
 
qui sont des carcasses de grands chevaux rongés
 
que la mer a crachés de très loin
 
mais que les gens continuent d’adorer
 
des tas de choses oubliées
 
des tas de choses rêvées
 
tandis que nous deux
Lointaine-ma-distraite
 
nous deux
 
dans le paysage nous entrons jamais fané
 
plus forts que cent mille ruts
Altre opere di Aimé Césaire...



Alto