Victor Hugo

Ne vous contentez pas, madame, d’être belle

Ne vous contentez pas, madame, d’être belle.
Notre cœur vieillit mal s’il ne se renouvelle.
Il faut songer, penser, lire, avoir de l’esprit.
Être, pendant DIX ans, une rose qui rit,
Cela passe...—La vie est une triste chose,
Un travail de ruine et de métamorphose
Qui fait d’une beauté sortir une laideur.
Fixez votre œil charmant, parfois un peu boudeur,
Sur les deux termes sûrs d’une vie achevée,
Sur le point de départ et le point d’arrivée,
Chemin que parcourront, hélas ! vos pas tremblants,
—Dents blanches, cheveux noirs ;—dents noires, cheveux blancs !
Moi, j’estime la femme, humble et sage personne,
Qui ne s’éblouit pas, belle, veut être bonne,
Songe à la saison dure ainsi que les fourmis,
Et qui fait pour l’hiver provision d’amis.
Vieillir, c’est remplacer par la clarté la flamme ;
Le cœur doit lentement rentrer derrière l’âme.

Dernière Gerbe (Posthume, 1902)

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