Victor Hugo

Mon vers, s’il faut te le redire

Mon vers, s’il faut te le redire,
On veut te griser dans les bois.
Les faunes ont caché ta lyre
Et mis à sa place un hautbois.
 
Va donc. La fête est commencée ;
L’oiseau mange en herbe le blé ;
L’abeille est ivre de rosée ;
Mai rit, dans les fleurs attablé.
 
Emmène tes deux camarades,
L’esprit gaulois, l’esprit latin ;
Ne crois pas que tu te dégrades
Dans la lavande et dans le thym.
 
Sans être effronté, sois agile ;
Entre gaiement dans le vallon ;
Presse un peu le pas de Virgile,
Retiens par la manche Villon.
 
Tu devras boire à coupe pleine,
Et de ce soin Pan a chargé
La Jeanneton de La Fontaine
Qu’Horace appelait Lalagé.
 
On t’attend. La fleur est penchée
Dans les antres diluviens ;
Et Silène, à chaque bouchée,
S’interrompt pour voir si tu viens.

Les chansons des rues et des bois (1865)

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