Théodore de Banville

La chanson de ma Mie.

L’eau, dans les grands lacs bleus
     Endormie,
Est le miroir des cieux :
Mais j’aime mieux les yeux
     De ma mie.
 
Pour que l’ombre parfois
     Nous sourit,
Un oiseau chante au bois :
Mais j’aime mieux la voix
     De ma mie.
 
La rosée, à la fleur
     Défleurie
Rend sa vive couleur :
Mais j’aime mieux un pleur
     De ma mie.
 
Le temps vient tout briser.
 
     On l’oublie.
Moi, pour le mépriser,
Je ne veux qu’un baiser
     De ma mie.
 
La rose sur le lin
     Meurt flétrie ;
J’aime mieux pour coussin
Les lèvres et le sein
     De ma mie.
 
On change tour à tour
     De folie :
Moi, jusqu’au dernier jour,
Je m’en tiens à l’amour
     De ma mie.

Les Stalactites (1846)

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