Stance X.
Le miel sucré de vostre grâce,
Le bel astre de vostre face
Meurtrière de tant de cueurs
Ne sorte de ma souvenance ;
Mais où prendray-je l’espérance
De guérison pour mes douleurs ?
Je sens bien mon âme incensée
Se transir sur vostre pancée
Et sur le souvenir de vous,
Mais je ne puis trouver les charmes
Qui me font friand de mes larmes
Et trouver mon malheur si doux.
Deux yeux portent ilz telle émorce ?
Ô Dieux ! il y a tant de force
Dedans les rais d’une beauté !
Je l’espreuve et ne le puis croire,
Et le fiel que j’ai soif de boire
Desjà m’est expérimenté.
Ô Déesse pour qui j’endure,
Comme vos beautez je mesure,
Mesurez ainsi mon torment,
Car la souffrance me tue,
Pourveu qu’elle vous soit congneue,
Ne me deplaist aucunement.
Non pas que je veille entreprendre
De mesurer ny de comprendre
Ny vos beautez ny mon soucy ;
Ces choses sont ainsi unies :
Si vos grâces sont infinies,
Mon affliction l’est aussi.
Mon martire est vostre puissance,
Comme aiant pareille naissance,
Ont aussi un effet pareil,
Hors mis que c’est par vostre veue
Que ma puissance dyminue,
Et la vostre croist par vostre oeil.
Si votre oeil m’est insurportable,
Si d’un seul regard il m’accable
D’ardeurs, de pennes et d’ennuy,
Pour Dieu, emspechez le de luyre,
Mais non, laissez le plus tost nuire,
Car je ne peux vivre sans luy !
Vostre présence me dévore,
Et vostre absence m’est encore
Cent fois plus fascheuse à soufrir :
Un seul de vos regards me tue,
Je ne vis point sans vostre veue,
Je ne vis doncq’ point sans mourir.