Pierre Reverdy

Voyages trop grands

C’était peut-être la première fois qu’il voyait quelque chose de clair. Il se sentait accroché au dernier wagon du train de luxe pour quelque destination magnifique et regardait distraitement le paysage qui allait, à rebours, bien plus vite que lui. Avec la somme de tous les détails perdus on aurait fait un nouveau monde ; mais lui n’avait besoin de rien. De son rôle, qu’il jouait avec le plus grand sérieux, il lui manquait la signification.

Les plus grandes gares n’avaient pas assez de bruit pour l’émouvoir ; au coin de toutes les collines il comprenait mieux l’isolement des maisons blanches. Quand on longeait la mer il ne voyait que les voiles des barques qui en précisaient l’étendue.

Tout est inerte et trop grand pour ses yeux et son cœur. Sa tête doit rester vide et rien ne pourrait la remplir.

Quand il revenait enfin là d’où il était parti, sa tâche bien remplie, sa journée faite il ne pensait qu’au petit coin de terre où sa vie contenait, où il aurait la place juste pour mourir.

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