Paul Verlaine

Cuisses grosses mais fuselées

Cuisses grosses mais fuselées.
Tendres et fermes par dessous,
Dessus d’un dur qui serait doux,
Musculeuses et potelées,
 
Cuisses si bonnes tant baisées
Devers leur naissance et par là,
Blanches plus que rose-thé, la
Meilleure part de mes pensées,
 
Genoux, petites têtes d’anges
Bouffis dans leur juste maigreur,
Mollets bondis qui font fureur
En des bas clairs craignant les fanges.
 
Pieds dressés pour te hausser jusque
A ma taille pour t’embrasser,
Moi, t’enlever et te placer
Sur le lit, pieds très beaux que busque
 
La cheville de mol ivoire
Et que parfume leur fraîcheur ;
Doigts délicats, frêle rougeur
Doucement fauve au talon, voire
 
Assez forte peau pour la marche,
Mais quoi ! faut-il pas au cher corps
Base solide et soutiens forts,
Au cher corps qui garde mon Arche,
 
L’arche de crainte et de blandices
Où j’entre, tous torts révolus,
Comme on monterait au ciel. Pieds
Divins, genoux fins, bonnes cuisses !

Odes en son honneur (1893)

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