Paul Verlaine

Dévotions

Sécheresse maligne et coupable langueur,
Il n’est remède encore à vos tristesses noires
Que telles dévotions surérogatoires,
Comme des mois de Marie et du Sacré-Cœur,
 
Éclat et parfum purs de fleurs rouges et bleues,
Par quoi l’âme qu’endeuille un ennui morfondu,
Tout soudain s’éveille à l’enthousiasme dû
Et sent ressusciter ses allégresses feues
 
Cantiques frais et blancs de vierges comme aux temps
Premiers, quand les chrétiens étaient toute innocence,
Hymnes brûlants d’une théologie intense
Dans la sanglante ardeur des cierges palpitants ;
 
Comme le chemin de la Croix, baisers et larmes,
Argent et neige et noir d’or des Vendredis Saints,
Lent cortège à genoux dans la paix des tocsins,
Stabats sévères indiciblement aux si doux charmes,
 
Et la dévotion, aussi, du chapelet,
Grains enflammés de chaste délire où s’embrase
L’ennui souvent, où parfois l’excès de l’extase
Se consumait au feu des Ave qui roulait ;
 
Et celle enfin des saints locaux, Martin de France,
Et Geneviève de Paris, saints du pays
Et des villes et des villages, obéis
Et vénérés avec chacun son espérance
 
Et son exemple et son précepte bien donné,
Ses miracles !—mœurs plus intimes du culte,
Eh oui, c’est encor vous, en dépit de l’insulte,
Qui nous sauvez, peut-être, à tel moment donné.

Liturgies intimes (1892)

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