Paul Verlaine

Colloque sentimental

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.
 
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.
 
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
 
—Te souvient—il de notre extase ancienne ?
—Pourquoi voulez—vous donc qu’il m’en souvienne ?
 
—Ton coeur bat—il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ?– Non.
 
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches !– C’est possible.
 
—Qu’il était bleu, le ciel, et grand, l’espoir !
—L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
 
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

Fêtes galantes (1869)

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