Paul Éluard

Monde ébloui, Monde étourdi.

I
 
Toutes les femmes heureuses ont
Retrouvé leur mari—il revient du soleil
Tant il apporte de chaleur.
Il rit et dit bonjour tout doucement
Avant d’embrasser sa merveille.
 
II
 
Splendide, la poitrine cambrée légèrement,
Sainte ma femme, tu es à moi bien mieux qu’au temps
Où avec lui, et lui, et lui, et lui, et lui,
Je tenais un fusil, un bidon—notre vie !
 
III
 
Tous les camarades du monde,
Ô ! mes amis !
Ne valent pas à ma table ronde
Ma femme et mes enfants assis,
Ô ! mes amis !
 
IV
 
Après le combat dans la foule,
Tu t’endormais dans la foule.
Maintenant, tu n’auras qu’un souffle près de toi,
Et ta femme partageant ta couche
T’inquiétera bien plus que les mille autres bouches.
 
V
 
Mon enfant est capricieux—
Tous ces caprices sont faits.
J’ai un bel enfant coquet
Qui me fait rire et rire.
 
VI
 
Travaille.
Travail de mes dix doigts et travail de ma tête,
Travail de Dieu, travail de bête,
Ma vie et notre espoir de tous les jours,
La nourriture et notre amour.
Travaille.
 
VII
 
Ma belle, il nous faut voir fleurir
La rose blanche de ton lait.
Ma belle, il faut vite être mère,
Fais un enfant à mon image...
 
VIII
 
J’ai eu longtemps un visage inutile,
Mais maintenant
J’ai un visage pour être aimé,
J’ai un visage pour être heureux.
 
IX
 
Il me faut une amoureuse,
Une vierge amoureuse,
Une vierge à la robe légère.
 
X
 
Je rêve de toutes les belles
Qui se promènent dans la nuit,
Très calmes,
Avec la lune qui voyage.
 
XI
 
Toute la fleur des fruits éclaire mon jardin,
Les arbres de beauté et les arbres fruitiers.
Et je travaille et je suis seul dans mon jardin.
Et le soleil brûle en feu sombre sur mes mains.

"Poèmes pour la Paix"

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