Joseph Autran

Le rameau de pin

C’est ici qu’oublieux des soucis que l’on porte
Volontiers on s’arrête, à moitié du chemin.
C’est ici qu’un vin clair égayé et réconforte :
Ainsi l’indique au moins cette branche de pin
               Suspendue à la porte.
 
Braves gens qui passez, faites halte un moment ;
Tout pénètre en ce gîte, excepté la tristesse.
Cette branche de pin, signe agreste et charmant,
Le dit ; et, sur le seuil, le regard de l’hôtesse
               Le dit également.
 
Bonne et clémente femme, à ce qu’apprend l’histoire !
Un enfant, depuis peu, d’en haut lui fut donné :
Et tandis que le drôle est à son sein d’ivoire,
Elle, qui d’une main soutient le nouveau-né,
               De l’autre verse à boire.
 
Sous le beau ciel romain dont l’azur toujours luit,
Telle on put voir sans doute et telle on voit encore
Cette cabaretière en son mince réduit,
Où Virgile, parfois, allait vider l’amphore,
               Par Horace conduit !
 
Les gens connaissent donc la porte hospitalière ;
De tout le voisinage ils arrivent le soir ;
Et là, sous le treillis de pampres et de lierre,
Ils réclament sans gêne, empressés de s’asseoir,
               L’hôtesse familière.
 
Par le soleil du jour le front moite et noirci,
L’ouvrier des sillons y vient reprendre haleine.
Le maître de la ferme entre et dit : Me voici !
Le faneur s’y repose au retour de la plaine,
               Et la faneuse aussi.
 
Surpris dans mon sentier par la soif qui me gagne,
J’entre donc à mon tour et prends place au banquet ;
Et moi, qui ne boirais ni xérès ni Champagne,
Je hume avec amour le rustique bouquet
               De leur vin de campagne.
 
Et, ce vin du pays, je le bois sans façon
A toi, faneur des prés ; à toi, faneuse brune !
Laboureur, aux épis que rendra la moisson !
A vous enfin, l’hôtesse ! Et puis à la fortune
               De ce cher nourrisson !

Le Poème des beaux jours (1862)

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