Joseph Autran

La chanson de juillet

Je suis l’été riche et superbe,
La saison des brûlants soleils,
Jusqu’au genou, plongé dans l’herbe,
Je me couronne d’une gerbe,
Pleine de fleurs aux tons vermeils !
 
Que dans sa nuit, vieillard sauvage,
L’hiver grelotte sur un feu :
Rêvant les rêves du bel âge,
De ma cabane de feuillage,
Moi, je souris au grand ciel bleu.
 
Je viens, et la gaîté s’allume ;
Je la fais naître d’un coup d’œil ;
Et tout s’en va, comme l’écume,
Au ciel ce qu’il restait de brume,
Au cœur ce qu’il restait de deuil.
 
J’arrive, et toute voix me chante ;
Chacun se dit : voici l’été !
S’il est des maux, je les enchante ;
Et l’âme enfin la plus méchante
Me prend un peu de ma bonté !
 
Arrière les soucis moroses,
Et les misères et la faim !
Prodiguant au loin toutes choses,
Aux riches j’apporte les roses,
Aux indigents j’offre le pain !
 
Par moi le banquet recommence,
Etalé sur les gazons verts :
Venez, convives en démence ;
Je suis, dans ma largesse immense,
L’amphitryon de l’univers !
 
Dans mes retraites inconnues,
Venez, sans voile sur le sein,
Nymphes des bois, dryades nues !
Sous le regard des chastes nues,
Plongez-vous dans mon clair bassin !
 
Aux bois, dans l’ombre tiède et rare,
Venez dormir, couples d’amants !
De mille fleurs le sol se pare :
Voilà le lit que je prépare
A vos féconds embrassements !
 
Dans le hallier, dans la charmille,
Que tout se livre à ses amours.
Je suis le Père de famille,
Par qui tout aime et tout fourmille
Et tout bénit l’auteur des jours !

Le Poème des beaux jours (1862)

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