Je suis l’été riche et superbe,
La saison des brûlants soleils,
Jusqu’au genou, plongé dans l’herbe,
Je me couronne d’une gerbe,
Pleine de fleurs aux tons vermeils !
Que dans sa nuit, vieillard sauvage,
L’hiver grelotte sur un feu :
Rêvant les rêves du bel âge,
De ma cabane de feuillage,
Moi, je souris au grand ciel bleu.
Je viens, et la gaîté s’allume ;
Je la fais naître d’un coup d’œil ;
Et tout s’en va, comme l’écume,
Au ciel ce qu’il restait de brume,
Au cœur ce qu’il restait de deuil.
J’arrive, et toute voix me chante ;
Chacun se dit : voici l’été !
S’il est des maux, je les enchante ;
Et l’âme enfin la plus méchante
Me prend un peu de ma bonté !
Arrière les soucis moroses,
Et les misères et la faim !
Prodiguant au loin toutes choses,
Aux riches j’apporte les roses,
Aux indigents j’offre le pain !
Par moi le banquet recommence,
Etalé sur les gazons verts :
Venez, convives en démence ;
Je suis, dans ma largesse immense,
L’amphitryon de l’univers !
Dans mes retraites inconnues,
Venez, sans voile sur le sein,
Nymphes des bois, dryades nues !
Sous le regard des chastes nues,
Plongez-vous dans mon clair bassin !
Aux bois, dans l’ombre tiède et rare,
Venez dormir, couples d’amants !
De mille fleurs le sol se pare :
Voilà le lit que je prépare
A vos féconds embrassements !
Dans le hallier, dans la charmille,
Que tout se livre à ses amours.
Je suis le Père de famille,
Par qui tout aime et tout fourmille
Et tout bénit l’auteur des jours !