Renais, renais ; ouvre et déploie
Ta robe de fleurs et d’air pur ;
Tressaille d’amour et de joie,
Ô terre antique où me renvoie
Le Dieu qui règne dans l’azur !
Réveille-toi !—sous l’hiver sombre
Dormir cinq mois, c’est trop longtemps.
Chasse la pluie, écarte l’ombre,
Et mets au jour les biens sans nombre
Que tu recèles dans tes flancs.
Sous la lumière que j’épanche.
Reverdissez, gazons et bois.
Frêne orgueilleux, saule qui penche ;
Et que le chêne et la pervenche
Tous deux revivent à la fois.
Dans le taillis, dans les broussailles.
Volez, chantez, oiseaux bénis !
Voici le temps des fiançailles :
De brins d’osier, de folles pailles,
Tressez la conque de vos nids.
Qu’attendez-vous, sources lointaines,
Pour déborder de vos berceaux ?
Coulez ruisseaux, coulez fontaines :
Les monts ne dominent les plaines
Qu’afin d’y répandre leurs eaux.
Qu’à leur murmure tout s’éveille ;
Que tout s’éclaire au nouveau jour.
Sors du bouton, rose vermeille !
Des tendres cœurs jaillis pareille,
Première extase de l’amour !
A ta fenêtre où le ciel brille,
Ange à l’œil bleu, sylphe à l’œil noir.
Viens t’accouder, ô jeune fille !
Rêve, à l’insu de ta famille,
Ton rêve de l’aube et du soir.
Enfin toi, fermier, toi, le père,
Rentre au sillon, charrue en main.
Quand je ris, le travail prospère ;
Reprends joyeux ton œuvre austère,
L’œuvre dont vit le genre humain !
Renais, renais ; ouvre et déploie
Ta robe de fleurs et d’air pur ;
Tressaille d’amour et de joie.
Ô terre antique où me renvoie
Le Dieu qui règne dans l’azur !