Jacques Prévert

Osiris ou la fuite en egypte

C’est la guerre c’est l’été
 
Déjà l’été encore la guerre
 
Et la ville isolée désolée
 
Sourit sourit encore
 
Sourit sourit quand même
 
De son doux regard d’été
 
Sourit doucement à ceux qui s’aiment
 
C’est la guerre et c’est l’été
 
Un homme avec une femme
 
Marchent dans un musée
 
Leurs pas sont les seuls pas dans ce musée désert
 
Ce musée c’est le Louvre
 
Cette ville c’est Paris
 
Et la fraîcheur du monde
 
Est là tout endormie
 
Un gardien se réveille en entendant les pas
 
Appuie sur un bouton et retombe dans son rêve
 
Cependant qu’apparaît dans sa niche de pierre
 
La merveille de l’Egypte debout dans sa lumière
 
La statue d’Osiris vivante dans le bois mort
 
Vivante à faire mourir une nouvelle fois de plus
 
Toutes les idoles mortes des églises de Paris
 
Et les amants s’embrassent
 
Osiris les marie
 
Et puis rentre dans l’ombre
 
De sa vivante nuit.
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