Rassurez-vous braves gens
ce n’est pas un appel à la révolte
c’est un évêque qui est saoul et qui met sa crosse en
l’air
comme ça... en titubant...
il est saoul
il a sur la tête cette coiffure qu’on appelle mitre
et tous ses vêtements sont brodés richement
il est saoul
il roule dans le ruisseau
sa mitre tombe
c’est le soir
ça se passe rue de
Rome près de la gare
Saint-Lazare
sur le trottoir il y a un chien
il est assis sur son cul
il regarde l’évêque
l’évêque regarde le chien
ils se regardent en chiens de faïence
mais voilà l’évêque fermant les yeux
l’évêque secoué par le hoquet
le chien reste immobile
et seul
mais l’évêque voit deux chiens
dégueulis... dégueulis... dégueulis...
voilà l’éveque qui vomit
dans le ruisseau passent des cheveux...
... des vieux peignes...
... des tickets de métro...
des morceaux d’ouate thermogène...
des préservatifs... des bouchons de liège... des mégots
l’éveque pense tristement
Est-il possible que j’aie mangé tout ça
le chien hausse les épaules
et s’enfuit avec la mitre
l’éveque reste seul devant la pharmacie
ça se passe rue de
Rome
rue de
Rome il y a une pharmacie
l’éveque crie
le pharmacien sort de sa pharmacie
il voit l’éveque
il fait le signe de la croix
puis
plaçant ensuite deux doigts dans la bouche de l’éveque
il l’aide...
... il aide l’éveque à vomir...
l’autre l’appelle son fils fait le signe de la croix
puis recommence à vomir
le pharmacien avec les doigts qui ont fait le signe de la
croix
aide encore l’éveque à vomir
puis fait le signe de la croix
et ainsi de suite
alternativement
signe de la croix et vomissement
plus loin
derrière une palissade
dans une maison en construction
ou en démolition
enfin dans une maison pour les humains
il y a une grande réception
c’est la grande réception
chez les chiens de cirque
la grande rigolade
il y en a qui ont apporté des os
d’autres des escalopes
beaucoup de choses
ceux qui ont la queue en trompette font l’orchestre
c’est le grand cirque des chiens
celui qui a lieu le premier vendredi de chaque mois
mais seuls les chiens savent ça
devant tous les chiens assis
les autres chiens font leur numéro
le chien d’aveugle
le chien de fusil
le chien de garde
le chien de berger
mais voilà le grand délire
et les spectateurs aboient du vrai grand rire
le chien de la rue de
Rome vient d’arriver
il a sur la tête la mitre et il fait le pitre
le pitre
avec tous les gestes saints
le clown chien aboie en latin
il aboie au christ
il aboie au vendredi saint
il dit la messe avec sa queue
et tous les chiens se tordent à qui mieux mieux
Notre père chien qui êtes aux cieux...
mais le veilleur de nuit se réveille
et le monde des chiens s’enfuit
le veilleur de nuit se rendort
le veilleur de nuit est pris par le rêve
rêve de silence
rêve de bruits
rêve...
rue de
Rome le ruisseau coule doucement
dans son rêve le veilleur de nuit l’entend
rêve de ruisseau
rêve d’eau
rêve de rue
rêve de
Rome
rêve d’homme
rêve du pape... rêve de
Rome... rêve du
Vatican
rêve de souvenir
rêve d’enfant
Rome l’unique objet de mon ressentiment
le veilleur de nuit se réveille
se réveille en répétant
Parfaitement
parfaitement
Rome l’unique objet de mon ressentiment
il se réveille
il se lève
il se lave les dents
répétant
répétant
Rome l’unique objet de mon ressentiment
et le voilà la lanterne à la main
le voilà qui suit son petit bonhomme de chemin
son petit bonhomme de chemin le mène à
Rome
comme tous les autres chemins
parfaitement
parfaitement
à
Rome devant le
Vatican
parfaitement
pauvre veilleur de nuit le voilà perdu en plein jour
au beau milieu d’une ville peuplée de gens qui ne
parlent pas la même langue que lui
triste voyage
soudain il voit une petite fumée qui monte dans le ciel au-dessus des maisons
alors il crie au feu
mais un
Italien lui explique en italien que toujours il y a une petite fumée qui monte dans le ciel quand un nouveau pape est élu le veilleur de nuit n’y comprend rien il hoche la tête
et le soir tombe sur la campagne électorale à
Rome le pape est élu
aux quatre coins cardinaux il y a des cardinaux qui font la gueule en coin ils ne seront pas pape tout est foutu c’est alors qu’au balcon sérieux comme un pape paraît le pape entouré de ses sous-papes
il a sur la tête la coiffure à trois cornes appelée tiare et il étend la main la foule se prosterne la foule cherche sa salive la foule trouve sa salive la foule crache par terre la foule se roule dans son crachat le pape fait avec sa main de pape un geste de pape on ferme la fenêtre et la foule s’en va s’en va par la ville en répétant Ça y est nous l’avons vu nous l’avons touché du regard
un peu plus tard assis sur ses fesses dans son carrosse de nougat doré le grand taulier du
Vatican fait le tour de son quartier réservé et puis il rentre au
Vatican où fier lui aussi comme un pape son vieux papa l’attend effusions familiales
grandes eaux lacrymales
le père a une tête de vieux paysan
il fume la pipe
il est simple
hélas hélas
la pipe au papa du pape
Pie pue
on ouvre les fenêtres... on brûle du sucre... on ferme
les fenêtres... ce qu’il faut avant tout c’est de la tenue
mais tous les ruisseaux mènent à
Rome
et voilà l’évêque qui surgit en agitant sa crosse
son visage est défait comme un vieux lit
il titube... l’indignation est générale... le
Saint-Père
écarte son vieux père qui veut faire à l’évêque un
mauvais parti et s’approchant de l’évêque lui dit
On dirait que vous avez bu
et il le lui dit avec une tellement grandiose expression
de mépris
que tous les cardinaux en sont glacés jusqu’aux os
silence
grand silence mais de courte durée
car l’évêque est plus ivre que le pape ne le pensait
et comme il a appris les mauvais mots dans un bordel
de la rue de lTSchaudé il dit ce qu’il lui plaît de dire
Dans tous les cas si je suis saoul c’est pas avec ce que tu
m’as payé... tout pape que tu es... mais il éternue parce
qu’il a froid à la tête depuis que le chien lui a fauché la
mitre
Fermez les fenêtres dit le pape
un sous-pape répond à sa sainteté que les fenêtres sont
déjà fermées
Excusez-moi dit le pape on peut se tromper je ne suis
infaillible que lorsque je parle des choses de la religion
soudain l’évêque
Infaillible... tais-toi... tu me fais marrer... face de pet...
les choses de la religion... infaillible... il y a de quoi se
les mordre... vieil os sans viande j’en ai marre des
choses de la religion et puis d’abord pourquoi que tu es
pape et pas moi... hein peux-tu le dire... t’as profité de
mon voyage pour te faire élire... combinard... cumu–
lard...
tout ce que tu veux c’est te remplir la tirelire...
mais le pape le désigne dramatiquement du doigt
Barnabe je vous mets à l’index...
alors l’affreux vieillard éclate de rire
il est tête nue
il se secoue
il secoue toute l’eau du ruisseau
il éternue
il est trempé comme un vieux tampon-buvard
abandonné sous la pluie dans la cour d’une mairie
triste
trempé comme un vieux morceau de pain
dans un verre d’eau sale
et il hurle
et il tonitrue...
Ah ! il est bath le pape
il est gratiné le pape...
et il se vautre
il plaisante salement
L’index sacré
sais-tu où on le met l’index dans la rue de l’Échaudé
c’en est trop
l’autre affreux vieillard c’est le pape
il faut appeler les choses par leur nom
un chien c’est un chien
un tournesol c’est un tournesol
une petite fille qui joue au cerceau dans une allée
du
Luxembourg
c’est une petite fille qui joue au cerceau dans une allée
du
Luxembourg
le
Luxembourg c’est un jardin
une fleur c’est une fleur
mais un pape qu’est-ce que c’est
un affreux vieillard
et c’est pour ça que le catholique pratiquant lorsqu’il se rend au cinématographe parlant pour voir documen-tairement le vrai visage du
Vatican... c’est pour ça qu’il fait une drôle de tête le catholique pratiquant... ce qu’il imaginait ce n’était pas cet ecclésiastique blême-mais un pape... un homme de nuages... une sorte de secrétaire de dieu avec des anges pour lui tenir la queue... mais cette grande photographie plate qui remue la bouche en latin
cette grande tête avec toutes les marques de la déformation professionnelle la dignité l’onction l’extrême-onction la cruauté la roublardise la papelardise et tous ces simulacres toutes ces mornes et sérieuses pitreries toutes ces vaticaneries... ces fétiches... ces gris-gris... ce luxe... ces tapis... ces wagons-salons... ces locomotives d’or... ces cure-dents d’argent... ces chiottes de platine...
toute cette vaisselle de riche... toutes ces coûteuses ces ruineuses saloperies... tout cela met le catholique mal à l’aise sur le fauteuil qu’il a payé seize francs et il entend des rires de curieuses réflexions
aux places les moins chères des spectateurs se tapent sur les cuisses
Vise un peu le
Saint-Père comment qu’il est fringue... avec un anneau dans le nez j’te jure qu’il serait complet... c’est alors que le catholique pratiquant sent monter en lui de terribles questions
Hélas... puisqu’il y a des cache-nez... des cache-tam-pons... des caches-cols... des cache-noisettes... des cache-pots pourquoi n’y a-t-il pas de cache-pape... point d’interrogation et plus d’autres questions
à chaque question qu’il se pose malgré lui le catholique pratiquant a beau essayer de répondre que la question n’est plus là... la question est là... la question continue d’être en question et remet tout en question devinette chrétienne
Aimez-vous les uns les autres
Couci couça c’est la réponse il a répondu malgré lui le catholique pratiquant et il a honte
quelle drôle de maladie la honte et comme ça rend laid il pleure... il voudrait aimer tout le monde (qu’il dit)
il ne peut pas aimer... il ne peut que respecter ou haïr... il pleure
mais sur l’écran le pape s’en va en retroussant ses jupons blancs... le film du
Saint-Père est terminé voici d’autres actualités
des militaires italiens bombardent un village abyssin le catholique pratiquant sent ses larmes se tarir brusquement sent son cœur battre amoureusement sent ses poings qui se serrent convulsivement il aime tellement les militaires... les civières... les enterrements... les cimetières... les vieilles pierres...
les calvaires... les ossements... à chaque torpille qui tue les « nègres » il pousse un petit gloussement blanc devant les images de la mort la joie de vivre le saisit il voit là-haut dans le ciel tous les frères en
Jésus-Christ
tous ses frères en
Mussolini les archanges des saints abattoirs
les éventreurs... les aviateurs... les mitrailleurs... toute la clique de notre seigneur... il est fou de joie... il est content... il grimpe sur son fauteuil à seize francs... il acclame l’escadrille des catholiques trafiquants... il sent monter en lui l’espoir un jour aussi peut-être il versera le sang le sang des pauvres... le sang des noirs... le sang de ceux qui sont vraiment vivants mais l’enthousiasme c’est épuisant et le pauvre petit malheureux catholique pratiquant impuissant et trafiquant... le pauvre pauvre pauvre petit petit petit tout petit tout petit très malheureux... très catholique... très catholique... très pratiquant se rassoit sur son fauteuil à seize francs
le spectacle est permanent... il en aura pour son argent... et le spectacle recommence... voilà les gentils animaux des dessins animés mais ils ne restent pas là longtemps parce que voilà que revoilà le vrai visage du
Vatican ça commence par des vues de
Rome on montre les quartiers de la ville dans une rue il y a deux hommes personne ne les remarque l’un de ces deux hommes c’est le veilleur de nuit l’autre c’est un
Italien qui n’a pas de travail un
Romain
un
Romain avec des pièces au fond du pantalon un
Romain qui crève la faim les deux hommes sortent du film personne ne s’aperçoit de leur disparition et là-bas ils continuent à se promener dans
Rome le
Romain fait des gestes avec la main ces gestes le veilleur de nuit les comprend il n’a pas besoin d’allumer sa lanterne ce sont des gestes pareils aux siens
un pour serrer la ceinture
un pour montrer les devantures
un autre geste avec la main à plat au-dessus du pavé
en penchant un peu l’épaule
ça veut dire qu’on a des enfants
avec les doigts on fait le compte
c’est un
Romain qui a trois enfants
et pas de travail
et ils parlent aussi un petit peu les deux hommes
et ils se comprennent très bien avec très peu de mots
le
Romain et le
Parisien
Gangster
Mussolini
Mussolini gangster
ils éclatent de rire
ils se sont parfaitement compris
une grande joie les fait rire
Gangster...
Mussolini
avanti... avanti...
à voix basse le
Romain chante au veilleur de nuit
la chanson interdite
Partant pour l’Ethiopie
avanti... avanti...
les fusils partiront tout seuls
c’est moi qui vous le dis
qu’ils partent donc tout seuls
les fusils
qu’ils s’en aillent
nous resterons à la maison
et quand ils reviendront
nous irons les chercher à la gare avec une fanfare
le veilleur de nuit ne comprend pas
toutes les paroles de la chanson
mais il en comprend le sens
et il recommence à rire
et les deux hommes trouvent d’autres copains
un qui travaille chez
Fiat à
Turin
Turin...
Turin-cassis...
le veilleur de nuit pense à l’apéritif et ça lui donne soif il s’arrête près d’une fontaine il entend le bruit de l’eau il s’assoit il boit
il entend l’eau et son rêve le reprend
Rome l’unique objet de mon ressentiment il dit au revoir aux autres et s’en va vers le
Vatican... il ne sait pas d’où ça lui vient mais il a un tas de choses à dire et tout le temps il pensait à ces choses quand il était tout seul auprès du brasero l’hiver la nuit dans son chantier il a un théâtre dans la tête et dès qu’il est seul ça recommence à jouer et c’est des pièces terribles que ça joue pas des tragédies à guirlandes avec des bonzes d’autrefois qui débloquent comme à l’église des histoires de fesses qui riment
mais des pièces avec des hommes de viande avec de pauvres femmes vivantes avec du pain avec des chiffres
des chiffres... des orages de chiffres... toujours des petites sommes et puis des hommes qui fabriquent... d’autres qui attendent tristement l’autobus sous la pluie
des vieux souliers
des petites filles qui demandent humblement à crédit chez le laitier
des hommes... des femmes... des enfants des hommes... des femmes... des enfants
qui se battent contre la misère qui pataugent dans leur propre sang dans le sang et dans la misère dans la misère et dans le sang
et sur le sang de la misère des autres se gondcxlent à
Venise avec des suspensoirs d’hermine et des dia. niants aux doigts de pied les cloches sonnent dans les églises pour que les pauvres viennent prier mais lui le veilleur de nuit il veut empêcher les cloches de sonner il veut parler
il veut crier hurler gueuler gueuler...
c’est pour ses camarades qu’il veut gueuler le veilleur de nuit pour ses camarades de toutes les couleurs de tous les pays et tout en marchant il arrive devant la porte du
Vatican et il s’arrête _.
devant la porte il y a des hommes la plume sur la tête la hallebarde à la main ces hommes lui barrent le chemin et lui demandent ce qu’il veut
Je viens demander au pape s’il est sourdingue... comprenez je viens lui demander s’il est dur de la feuille et s’il sait lire s’il sait compter...
lui demander ce qu’il pense de la situation mondiale lui demander puisque de son métier il doit être bon comme le bon pain ce qu’il attend pour ouvrir sa grande gueule en faveur des opprimés... et la garde le laisse passer croyant qu’il s’agit d’un plombier qui vient remettre un joint au robinet de la baignoire dorée où parfois le
Saint-Père vient se mouiller les fesses et le dessous des pieds il passe
il traverse les salons tu parles d’un bobinard mon vieil
Edmond quel bordel madame
Adèle quel boxon monsieur
Léon il glisse sur le parquet ciré sa lanterne à la main il glisse si vite qu’on dirait un train et le voilà qui écrase quelqu’un un affreux
c’est un affreux vêtu de noir une mèche de pétrole à la place des cheveux la cravate blanche les pieds douteux
le veilleur de nuit s’enfuit
Laval se relève et s’époussette
un valet s’empresse
Monsieur le comte
et monsieur le comte
Laval demande au valet si la mule
du pape est visible et comment il faut s’y prendre pour
la baiser selon le protocole
on amène une mule d’essai et l’homme d’État et la bête
restent seuls en tête à tête
le veilleur de nuit continuant son exploration arrive
dans la grande antichambre près du grand salon de la
grande réception... c’est fou ce qu’il peut y avoir de
monde
qui rampe sur le paillasson
un tas de gens connus des gens qui sont quelqu’un
des journalistes des hommes de main
des valets de pied des écrivains
des banquiers des académiciens
le veilleur de nuit les écoute
ils parlent... ils parlent du nez...
de la pluie et du beau temps
mais ils parlent surtout argent
il y en a qui sont avec leur femme
monsieur
Déchet avec madame
Déchet
monsieur
Gésier avec madame
Chaisière
monsieur
Pierre
Benoit madame
Antinéa
madame
Léon
Bailby monsieur
Antinous
monsieur
Salmigondis madame
Cora
Laparcerie
monsieur
Deibler et sa veuve
grand-papa
Doumergue et ses petits-enfants
et le petit monsieur tout seul
Quenelle de
Jouvenel
Bertrand
monsieur
Claude
Fûhrer le grand pétopiomane
et puis des
Léon
Vautel... des
Clément
Daudet... des
Brioche la
Rochelle des
Jab de la
Bretelle... des
Maur–
ras et des
Vorace de
Carbuceia des
Gallus des
Henribérot des
Gugusses des compères
Doriot des de mes deux
Kérilis des
Pol
Morand des
Chiappe des
Henri
Lavedan
et voilà le lieutenant colonoque de la rondelle aux
flambeaux
et les
Schneider les de
Wendel
tous les vieux débris du
Creusot
tous les édentés carnivores
tous les vieux marcheurs de la mort
et ces dames
leurs dames
comme elles sont belles à voir quand on pense à autre chose et qu’on ferme les yeux
les propos qu’elles tiennent sont tout à fait savoureux elles parlent du pape
et quand elles parlent elles font avec la bouche le même bruit désagréable que lorsqu’elles remuent leur prie-Dieu le jour de la grand-messe des morts à
Saint-Laurent pied de porc...
Et le pape m’a dit ceci et le pape m’a dit cela et papati et
papata...
et ces messieurs s’en mêlent
Comme je le disais au
Saint-Père dit
Pol
Morand à la douairière
Debout les morts et à la douche nous voulons des cadavres propres... oh monsieur
Morand
vous êtes le roi des cormorans et toujours tellement garnement
et la douairière se chatouille le fessier elle voudrait bien se le faire dédicacer soudain elle arrête de se chatouiller et tout le monde arrête de faire ce qu’il faisait tout le monde claque des talons tout le monde rectifie la position
Mussolini traverse le salon le voilà l’ennemi du
Négus
le voilà l’authentique gugusse le voilà le nouveau
Poléon
il a la drôle de tête de l’homme qui croit que c’est arrivé mais qui ne sait pas au juste comment ça va se terminer. ..
il salue tout ce beau monde à la romaine et tout ce beau monde à la romaine le salue.
soudain
Mussolini aperçoit le veilleur de nuit et s’approche de lui en fronçant les sourcils
Alors on ne salue plus
Je n’ai jamais salué personne dit le veilleur de nuit et le
Duce est très embêté cet homme seul... ce sans-gêne... cette lanterne peut-être que c’est
Diogène on ne sait jamais
et le
Duce qui ne tient pas à avoir d’ennuis avec l’antiquité entraîne le veilleur de nuit dans un salon plus discret
les voilà assis sur une banquette
Moi ce que je souhaite dit
Mussolini c’est le bonheur de mon peuple
Tu l’as dit bouffi... répond le veilleur de nuit et il se met à rire doucement
Mussolini est inquiet... soudain il entend du bruit
Bon inquiétude grandit te bruit qui inquiète
Mussolini vient de dessous la banquette sur laquelle il est assis
Ce n’est rien... dit le veilleur de nuit c’est le roi d’Italie il fait les cent pas il s’ennuie
Ah bon dit
Mussolini
Moi je viens pour voir le pape dit le veilleur de nuit
Moi aussi dit
Mussolini
Moi aussi dit venant de dessous la banquette
la petite voix du roi d’Italie
j’ai rendez-vous avec lui
Moi je n’ai pas rendez-vous dit le veilleur
je viens comme ça... en touriste
Très intéressant le tourisme... extrêmement intéressant
reprend
Mussolini... le tourisme...
mais la grande porte s’ouvre
un camerlingue apparaît
Au premier de ces messieurs
C’est moi dit le roi et il sort
mais
Mussolini donne au monarque un discret petit
coup de pied et le monarque rentre sous sa banquette
en hochant tristement la tête
Le premier c’est moi dit
Mussolini
en faisant la grosse voix
Je vous demande pardon dit le veilleur de nuit j’étais là avant vous avanti avanti et il passe
la grande porte se referme derrière lui et le voilà en présence de celui qu’on appelle le vicaire de
Jésus-Christ il est assis sur son saint siège le vicaire et devant lui deux ou trois douzaines de grosses vieilles femmes à barbe imberbes sont agenouillées sur le tapis
le
Saint-Père leur parle en latin et il les appelle ses
brebis
Drôle de harem pense le veilleur de nuit...
mais voilà les femmes à barbe qui se lèvent...
... qui se lèvent en poussant des cris...
Pesetas
Bandera
Pesetas
Pesetas
Pesetas
Franco
Légère erreur pense le veilleur
il comprend qu’il a confondu hommes d’Église avec
femmes à barbe et qu’il se trouve en présence des
évêques cardinaux archevêques et bedeaux... des révérends pères gras à lard brûlés vifs par le
Frente
Popuiar dans les souterrains d’Oviedo... et le
Saint-Père écoute avec sérénité la plainte déchirante des malheureux prélats carbonisés
Ah si tu savais
Saint-Père ce que ces barbares nous ont fait ils nous ont coupé les jambes et puis ils nous ont pendus par les pieds ils nous ont plongé la tête dans l’huile d’olive bouillante
ils nous ont saignés comme des porcs ah si tu savais
Saint-Père combien horrible fut notre mort ils nous ont crucifiés sur des planches avec de sales clous rouilles mais
Dieu qui fait bien ce qu’il fait
Dieu nous a tous ressuscites et sur son nuage d’acier trempé sainte
Tenaille est arrivée sainte
Tenaille nous a décloués et nous avons erré dans la montagne emportant les vases sacrés il y avait des fruits sauvages nous les avons apprivoisés... baptisés et puis nous les avons mangés et nous avons marché marché jusqu’à un tout petit village où dans sa grande automobile saint
Christophe nous attendait ah quelle terrible chaleur et quelle soif il faisait tout nu dans le spider saint
Sébastien pleurait ils l’avaient planté de banderilles il ne pouvait pas les enlever sainte
Tenaille s’était endormie...
pas moyen de la réveiller... saint
Sébastien s’impatientait... on est allé chez un médecin...
mais la porte était défoncée... toute la maison saccagée et là
Saint-Père horreur nous vîmes comme nous vous voyons
Saint-Père comme nous vous voyons nous vîmes le médecin et sa dame suspendus à la suspension horreur
Saint-Père horreur nous vîmes sur le carreau de la cuisine les trente-deux filles du médecin éventrées par les miliciens horreur
Saint-Père horreur nous vîmes un homme étrange qui grelottait on aurait dit un grand poulet un grand poulet qui sanglotait c’était l’ange gardien des jeunes filles plumé vif par les miliciens horreur
Saint-Père horreur nous vîmes la bienheureuse sainte
Albumine dans une bouteille emprisonnée
et tout en haut du haut de l’église la bienheureuse sainte
Camomille empalée sur le clocher
horreur
Saint-Père horreur nous vîmes aussi... ... mais soudain midi sonne on entend un grand bourdonnement c’est le ventre des prélats espagnols qui grogne qui grogne parce qu’il n’est pas content
Bon appétit mes agneaux bon appétit mes brebis
vous me direz la suite au dessert dit le
Saint-Père et la délégation des malheureux prélats carbonisés miraculés béatifiés et affamés se précipite vers la grande salle où est préparé le banque