Aujourd’hui, de même que l’aromancier, comme la seiche, déverse méthodiquement son encre pour se dissimuler, le peintre tachiste jette sur la toile, avec une désinvolture frénétiquement pré-fabriquée, les très vacillantes esquisses de l’inconsciente et refoulée autocritique de son involontaire autoportrait.
Magritte, lui, c’est plutôt l’art dépoli.
Il ne se regarde pas dans la glace, il entre dans l’armoire sans frapper et traverse le mur contre lequel l’armoire est plantée.
Sur ce mur il peint une toile et sur cette toile il peint ce mur :
au pied de ce mur le sort est jeté le bon comme le mauvais.
Il les peint tous les deux.
La peinture de
Magritte c’est l’évidence même des objets et des êtres et des choses et autres
Des choses qui n’arrivent qu’à lui parce qu’il garde jour et nuit grandes ouvertes toutes les portes et fenêtres toutes les lucarnes de sa tête.
Elle ne court pas les rues, cette peinture, elle ne pose pas pour la galerie, elle ne s’explique pas, elle ne s’impose pas.
Elle est là.
Rare comme le suicide d’un roi ou la rare beauté d’une reine, surprenante comme les plus proches souvenirs des plus lointains des rêves, belle comme une vérité première dans un puits de science poétique.
Elle est là et ailleurs en même temps, d’ailleurs ailleurs où est-ce exactement ?
On dirait parfois que
Magritte le sait, ou le devine, ou le surprend