Autrefois, les ânes étaient tout à fait sauvages, c’est-à-dire qu’ils mangeaient quand ils avaient faim, qu’ils buvaient quand ils avaient soif et qu’ils couraient dans l’herbe quand ça leur faisait plaisir.
Quelquefois, un lion venait qui mangeait un âne ; alors tous les autres ânes se sauvaient en criant comme des ânes, mais le lendemain ils n’y pensaient plus et recommençaient à braire, à boire, à manger, à courir, à dormir... En somme, sauf les jours où le lion venait, tout marchait assez bien.
Un jour, les rois de la création (c’est comme ça que les hommes aiment à s’appeler entre eux) arrivèrent dans le pays des ânes et les ânes, très contents de voir du nouveau monde, galopèrent à la rencontre des hommes.
LES ÂNES
Ce sont de drôles d’animaux blêmes, ils mar chent à deux pattes, leurs oreilles sont très petites, ils ne sont pas beaux, mais il faut tout de même leur faire une petite réception... c’est la moindre des choses...
Et les ânes font les drôles, ils se roulent dans l’herbe en agitant les pattes, ils chantent la chanson des ânes et puis, histoire de rire, ils poussent les hommes pour les faire un tout petit peu tomber par terre ; mais l’homme n’aime pas beaucoup la plaisanterie quand ce n’est pas lui qui plaisante, et il n’y a pas cinq minutes que les rois de la création sont dans le pays des ânes que tous les ânes sont ficelés comme des saucissons.
Tous, sauf le plus jeune, le plus tendre, celui-là mis à mort et rôti à la broche avec autour de lui les hommes, le couteau à la main. L’âne cuit à point, les hommes commencent à manger et font une grimace de mauvaise humeur, puis jettent leur couteau par terre.
L’ON DE8 HOMMES
Ça ne vaut pas le bœuf, ça ne vaut pas le bœuf !
UN AUTRE
Ce n’est pas bon, j’aime mieux le mouton
UN AUTRE
Oh que c’est mauvais !
(Il pleure)
Et les ânes captifs, voyant pleurer l’homme, pensent que c’est le remords qui lui tire les larmes.
« On va nous laisser partir », pensent les ânes ; mais lea hommes se lèvent et parlent tous ensemble en faisant de grands gestes
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