Jacques Prévert

La fête a neuilly

Une horloge sonne douze coups
 
Qui sont ceux de minuit
 
Adorable soleil des enfants endormis
 
Dans une ménagerie
 
A la fête de
Neuilly
 
Un ménage de dompteurs se déchire
 
Et dans leurs cages
 
Les lions rugissent allongés et ravis
 
Et font entre eux un peu de place
 
Pour que leurs lionceaux aussi
 
Puissent jouir du spectacle
 
Et dans les éclairs de l’orage
 
Des scènes de ménage des maîtres de la ménagerie
 
Un pélican indifférent
 
Se promène doucement
 
En laissant derrière lui dans la sciure mouillée
 
La trace monotone de ses pattes palmées
 
Et par la déchirure de la toile de tente déchirée
 
 
 
Un grand singe triste et seul
 
Aperçoit dans le ciel
 
La lune seule comme lui
 
La lune éblouie par la terre
 
Baignant de ses eaux claires les maisons de
Neuilly
 
Baignant de ses eaux claires
 
Toutes les pierres de lune des maisons de
Paris
 
Une horloge sonne six coups
Elle ajoute un petit air
Et c’est six heures et demie
Les enfants se réveillent
Et la fête est finie
Les forains sont partis
La lune les a suivis.
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